C'était il y a trente ans, au festival de Tours. Michel Guy, ministre de la Culture, priait Pierre Boulez de réfléchir à la création d'un ensemble dédié exclusivement à l'exécution de la musique contemporaine. Le chef et compositeur français l'avait, certes, déjà sensibilisé à la nécessité d'une telle formation. Il lui avait confié que l'aventure du Domaine musical, ensemble qu'il avait fondé en 1953 et qui fut uniquement soutenu par des mécènes, n'avait pas été sans difficultés : avec six concerts par an, les musiciens du Domaine, travaillant tous dans d'autres orchestres, n'étaient pas toujours disponibles, dans tous les sens du terme. Pendant ses vingt années d'existence, le Domaine musical fit découvrir à Paris des oeuvres de Stockhausen, Berio ou Ligeti, aujourd'hui considérées comme des classiques de l'«avant-garde».
Calqué sur le modèle du London Sinfonietta, l'Ensemble intercontemporain, financé par l'Etat, deviendra à son tour un modèle d'orchestre professionnel, de très haut niveau technique, «qui inspirera la création du Klangforum de Vienne et de l'Ensemble Modern de Francfort», rappelait le compositeur, lundi, à Grenoble l'une des étapes de l'actuelle tournée européenne de l'EIC. Depuis sa chambre d'hôtel, Pierre Boulez, 81 ans, contemplait, émerveillé, «les sommets enneigés du pays de Berlioz...».
Comment avez-vous convaincu les pouvoirs publics de financer l'EIC après l'Ircam (Institut de recherche et de coordination acoustique/musique), votre laboratoire ?
J'ai dit à Michel Guy que l'Ircam sans musiciens pour interpréter les oeuvres qui y étaient composées, c'était des coups d'épée dans l'eau. Gilbert