En bons gars de Liverpool, les Beatles buvaient sec. Paul McCartney le confessait volontiers : «Avant 1965, nous trouvions notre inspiration dans l’alcool ; après 1965, dans la drogue.» Ce jour-là, ils burent plus que d’habitude. Ils avaient une bonne raison. Quelque part dans le sud des Etats-Unis, la réaction antirock avait éclaté. Un prêcheur illuminé avait déclaré les Beatles sataniques, un groupe de jeunes excités avait brûlé leurs disques en public et une secte d’extrême droite annonçait qu’elle ferait sauter leur avion.
Le lendemain, les quatre musiciens prenaient justement un vol intérieur pour continuer leur tournée américaine. Ce fut une cuite historique, dont les hôtesses d’US Air gardèrent un souvenir amer. En pleine gloire, ils étaient effrayés par leur propre influence. Les insultes, l’autodafé, les menaces de mort émergeaient soudain du flot de la beatlemania, comme un contrepoint hideux à ce culte des idoles pop, trop irrationnel pour être inoffensif. Les Beatles composaient des chansons d’amour. Ils étaient rattrapés par la haine.
Une seule phrase de Lennon avait déclenché la tempête : «Les Beatles sont plus célèbres que le Christ.» Ils eurent beau expliquer que John regrettait cette religion païenne, qu’il la trouvait folle et la tenait pour un symptôme du désordre du temps, l’Amérique dévote avait pris l’aphorisme au premier degré. Sacrilège ! Désormais, ils seraient quatre garçons dans la tourmente. A vrai dire, ce rôle politique, ils l’avaien