Comment une adolescente qui vivait presqu’en autarcie, en compagnie de sa mère et de sa sœur, rue d’Aumale à Paris, et qui était, malgré son amour du rock anglo-saxon, tellement solitaire et gauche, a-t-elle réussi le miracle d’écrire la chanson que tous les adolescents, étouffant dans les carcans sociaux et familiaux d’alors, rêvaient d’écouter ?
La date est l'une des rares dont Françoise Hardy se souvienne : le 25 avril 1962. Une année décisive pour la pop culture, avec la formation des Rolling Stones, le premier album des Beach Boys et le premier single des Beatles. Dans un studio de la rue d'Hauteville, quatre titres sont enregistrés et mixés en quelques heures. Du «vite fait et bâclé», expliquait-t-elle ces jours-ci à Libération. Il est prévu que la chanson phare du «super 45 tours», ainsi qu'on appelait ce genre de vinyle, soit Oh ! Oh ! Chéri, l'adaptation, par les paroliers de Johnny Hallyday, d'un tube américain du moment. Il y a bien cet autre morceau, cette histoire de garçons et de filles qui vont deux par deux, mais enfin, quelle atmosphère contemplative ! «C'était un texte totalement autobiographique, au premier degré, sans aucune subtilité. J'y exprimais mes états d'âme avec la candeur des filles de mon âge», dit-elle aujourd'hui.
Vies étriquées
A l'époque, les jeunes Parisiens dans le vent allaient écouter des groupes naissants au Golf Drouot, sur les grands boulevards, les minets des beaux quartiers se