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portrait

Le chant du désespérant

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Descente en flammes. Morrissey, à 51 ans, l’ex-chanteur des Smiths, groupe phare des années 80, a trahi la cause des ados d’alors.
publié le 23 août 2010 à 0h00

Steven Patrick Morrissey. Déjà, j'avais oublié que tu t'appelais Steven. Mais je me souviens de l'avoir su. On disait aussi Moz, ou Mozzer. Quant à Patrick, je l'avais grave refoulé. J'aurais dû me méfier. C'est comme The Smiths, ça veut dire les Lefèvre. Tout ça m'est revenu quand j'ai ressorti un vieux livre de 1988 du fond de ma bibliothèque. Je voulais comprendre pourquoi je t'avais tant aimé. Le livre s'appelait The Smiths, par Mick Middles. Chez Omnibus Press, acheté à Londres. Je n'étais pas cool au point d'aller à Manchester, et les Smiths avaient de toute façon déjà splitté. Les Happy Mondays n'étaient pas arrivés à mes oreilles. En lisant hier ce livre pour la première fois (je l'avais acquis pour les photos), j'ai compris que j'aurais déjà dû te détester à l'époque. Mais je n'écoutais que la moitié des paroles de tes chansons. Le reste, je l'inventais.

On ne sait pas au juste comment tu es devenu si haïssable. Personne ne peut le dire. Il n’y a pas eu de moment. Tu avais commencé à t’effacer et puis, un jour qu’on se retournait comme chaque jour, tu étais encore là. Tu n’étais pas mort comme tu l’avais promis et comme ton James Dean chéri, tu ne t’étais pas métamorphosé non plus, ce qui eût été une façon élégante de débarrasser le plancher. Façon Bowie, renaissant indéfiniment et protéiforme. Ou comme Robert Smith de The Cure, devenu franchement ridicule, hideux et dilué. On aurait au moins pu rire un coup. Pourtant, tu as changé, du moins physiquement, ma