Profitons-en, l'insatisfait chronique a remisé ses rengaines sceptiques. Michel Portal le dit même à haute voix, façon méthode Coué : «Il ne faut pas que je me démolisse, j'ai toujours tendance à me crucifier.» A 74 ans, le clarinettiste-saxophoniste revient avec Baïlador, un album inspiré, et un sextet loquace qu'on a hâte de voir sur scène. Trois ans après l'inégal Birdwatcher, Portal s'est visiblement fait plaisir. On écrit ça vite car ça ne durera pas longtemps, tant le Bayonnais se vit en dubitatif maladif, en inquiet familier des réveils nocturnes. Mais le disque est bel et bien là pour témoigner d'un souffle et d'une «volonté d'aller au bout de quelque chose».
«Brouillard». Avec le fidèle Bojan Z, convoqué en pianiste et arrangeur éclairé, Michel Portal a écrit une partition - l'élève classique n'est jamais loin -, l'ossature qui charpente Baïlador. L'album n'a certes pas l'audace métissée et funk de Minneapolis, signé avec la section rythmique de Prince en 2001. Thème-impro-thème, chorus-chant-chorus, il s'articule en ruptures travaillées et dévisse entre échappées et apparente tranquillité. «J'avais une peur panique d'arriver en studio et de me dire "qu'est-ce qu'on fout ?" J'ai demandé aux gens qui ont joué avec moi des choses généreuses, donné des directions et fait très peu de prises. Je disais "vamos". Il fallait aller vite.»
En deux jours et demi de prises à New York, tout était bouclé. C