Alpha Blondy, monument ivoirien du reggae, est affecté. L'esprit pacifique de ses chansons n'a plus aucune influence sur les deux camps qui s'affrontent, dans son beau pays ravagé par la violence. «Jagger», comme on le surnomme toujours, parce qu'il s'identifiait plus jeune au chanteur des Stones, cache ses yeux derrière des lunettes de soleil. Il ne parle plus que de politique ivoirienne. Un sujet qui l'attriste et l'obsède. «Souvent, je pleure. Les Ivoiriens ne méritent pas ça. C'est un peuple plein d'humour, plein d'amour. La politique est en train de foutre le pays en l'air.»
Curieusement, ses dernières chansons ne sont pas politiques. Il les a écrites en tournée, avant la présidentielle de novembre 2010. En dehors de Cha-cha-cha du CFA, pas de texte à message. «Les élections s'annonçaient explosives et je ne voulais pas en rajouter avec la logique de guerre qui se dessinait.» Alpha Blondy, né Seydou Koné, vient d'une famille dioula et musulmane du nord de la Côte-d'Ivoire. Ce qui ne l'a pas empêché de soutenir Laurent Gbagbo, un chrétien du Sud, à ses débuts d'opposant puis en tant que président. Il a aussi été l'un des rares artistes pro-Gbagbo à avoir eu le courage de l'appeler à quitter le pouvoir, après le scrutin de novembre. L'élection s'est soldée par l'une des situations les plus absurdes que l'Afrique ait jamais eues à subir. Laurent Gbagbo a refusé de reconnaître sa défaite. Son rival victorieux, Alassane Ouattara, élu avec 54,1% des