Dans sa grande majorité, le public est masculin, blanc, populaire, la cinquantaine bedonnante. C'est une foule d'ex-adolescents des années 70 qui ont grandi la tête dans les nappes sonores du rock progressif - feulement de la guitare, harmonie tubulaire du synthétiseur, batterie enchaînant les «breaks» -, mais les pieds lourdement lestés au sol par la crise économique qui commençait. «J'ai vu Pink Floyd ici en 1977. C'était mon premier concert», raconte un Néerlandais venu en voisin, look de camionneur baba, collectionneur exalté de vinyles rares et de dédicaces. On est à Anvers, au point d'intersection de l'appauvrissement local et de la prospérité globale. Dans la salle, on peut sentir le désir de fidélité à la vieille utopie qui émanait des meilleurs morceaux de Pink Floyd : une musique mettant l'infini à portée de chacun.
Entamée l'année dernière, la tournée mondiale de The Wall par Roger Waters fait, ici comme ailleurs, stade comble. Les moyens déployés sont considérables : 85 millions de dollars, selon le Financial Times. Certes, l'homme, endurant mais arrogant, n'est pas le visage le plus riant de Pink Floyd. L'album-concept dont est tiré le spectacle n'en constitue pas non plus l'œuvre la plus marquante. Les puristes préfèrent les premiers albums, d'autres voient dans le classique Wish You Were Here l'aboutissement de la musique avec synthétiseur, Meddle a son club de fans, et l'on ne saurait trop recommander U