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Libération
TRIBUNE

Comment le rap a annoncé le printemps arabe

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Le débat n’est pas clos 7/10 Chaque jour, retour sur un événement de l’année
par Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences-Po
publié le 1er août 2011 à 0h00

«Qui est terroriste ?» Le cri claque et se répète, en arabe, dans la nuit de Washington. Le Hard Rock Café, qui accueille ce concert du groupe palestinien DAM, n'a jamais rien vu de semblable. Et que dire du FBI, dont le siège, de l'autre côté de la rue, ignore cette inattendue fièvre du samedi soir. Nous sommes à l'automne 2008, j'enseigne à l'université de Georgetown et DAM, qui se produit déjà en France depuis plusieurs années, perce outre-Atlantique à la faveur de la sortie du documentaire Slingshot hip hop. Ce hip-hop de la fronde est porté à pleins poumons par des formations originaires d'Israël (DAM est né à Lod, d'autres émergent à Acre ou en Galilée), de Cisjordanie ou de la bande de Gaza. C'est sur un écran américain que je découvre ainsi les PR (Palestinian Rapperz), un carré d'as de Gaza dont les textes m'impressionnent par leur maturité.

Deux ans plus tard, dans le cadre d'une recherche historique sur Gaza, je peux accéder au territoire et y rencontrer les PR le temps d'un narguilé en bord de plage. Ils vibrent à l'évocation des dizaines de rappeurs qui, dans les villes ou les camps de la bande assiégée, peaufinent leur breakdance, leur beatbox et leurs graffitis. Plutôt que d'évoquer les ruines et leur deuil (j'ignore alors que le père du leader a été tué dans un bombardement israélien), ils préfèrent parler d'avenir, ils misent énormément sur le centre Sharek qui doit servir de plate-forme aux musiciens de leur génération. Peu après,