Il y a quelques semaines, André Manoukian et Tété sillonnaient l'Argentine pour les besoins de leur émission de France 5, Tété ou Dédé. Leur route a croisé celle de Chango Spasiuk et, après la journée passée en compagnie de l'accordéoniste, Dédé ne cachait pas son enthousiasme : «Il ressemble à Jésus-Christ et joue la musique du futur qui vient du XVe siècle.»
Enracinée. Cette musique, c'est le «chamamé», qu'on entend dans les provinces au nord de Buenos Aires : le Chaco, Formosa, Corrientes ou Misiones, d'où vient Chango Spasiuk. Dans cette région frontalière du Paraguay, les colons européens ont apporté à la fin du XIXe siècle leurs accordéons et leur polka. De la rencontre entre monde indigène et Vieux Continent est né le chamamé, musique de danse au rythme asymétrique en 6/8.
Chango Spasiuk, 43 ans dans quelques jours, est né à Apóstoles, capitale du maté, cette herbe que les Argentins consomment en infusion du matin au soir. «J'ai appris l'accordéon loin des conservatoires, confie-t-il. Quand mon père m'a offert mon premier instrument, je ne l'ai plus lâché.» Reconnu très tôt comme un virtuose, Spasiuk aurait pu se contenter d'animer les bals du week-end et il aurait très bien gagné sa vie. Il a préféré, sans jamais renier la tradition, repousser les frontières du genre. Son disque Chamamé Crudo (2000) adoptait une esthétique radicale, enracinée dans la terre rouge de son enfance et proche