De passage estival à Paris, en semi-catimini (jamais aucune cour ne l'escorte), Björk tenait salon dans le confort discret d'un quatre étoiles du Quartier latin. D'où questions-réponses entre spa et harpe décorative, à l'heure de la bascule entre thé et café, dont la pythie arty-pop insulaire se justifie presque : «J'ai besoin de quelque chose d'un peu fort.»
Quand avez-vous amorcé le projet Biophilia mêlant studio, scène et Internet ? Aviez-vous un plan de marche en tête ?
Cette démarche a été entamée il y a trois ans. Avec le recul, je crois que deux aspects l'ont conditionnée. L'écran tactile, que j'ai découvert durant la tournée de Volta entre 2006 et 2008, m'a ouvert de nouvelles perspectives. J'étais si excitée que je voulais prolonger et développer l'expérience au-delà de la scène, à un moment où je commençais à me sentir prisonnière de certains automatismes et habitudes. Là, je redevenais soudain l'enfant qui écrivait à 8 ans ses premières mélodies et fredonnait en marchant seule quarante minutes sur le chemin de l'école, parfois dans l'obscurité. A cet égard, je pourrais aussi situer Biophilia comme une démarche étalée sur trente-quatre ans, dans la mesure où j'en ai aujourd'hui 42. Tout ce que j'ai entrepris est d'ailleurs toujours lié à un double critère temporel, mixant prise directe avec le présent et renvoi vers le passé. En Islande, j'ai eu une éducation classique assez stricte, y compris sur le plan musical, où les plus doués pouvaient, au mieux, espérer intégrer un jour l'orchestre symphonique. C'est sans doute cet aspect contraint qui m'a poussée