Il n’y a rien là que de très naturel. Mais cela déstabilise quand on découvre qu’il n’y a strictement aucune tromperie sur la marchandise. A la ville comme à la scène, Imany parle et chante, chante et parle, de cette même voix de basse, masculine et ravinée, cuir gaufré et rhum-tabac. Une voix huileuse comme le cache-poussière d’un rôdeur du crépuscule et assombrie comme l’enrobé de cette Highway 66 que dévaleraient des Easy Rider noctambules.
Assise à une table du café de l’Industrie, débit nourritures-boissons à l’apparat relâché en adéquation avec sa décontraction spacieuse, la chanteuse soul-folk se redresse pour saluer et apparaît dans la plénitude de sa prestance houssée de jean et montée sur talons.
Voix d'ogre. Quelques soirs avant, sur la scène de la Cigale, ses mélodies faisaient naviguer sur des mers mauves, et elle nous embarquait à bord de remorqueurs goudronnés de fatigue, qui jouaient les pousseurs pour des cargaisons de malfaisance. Elle était déjà cet hybride bisex. Un corps du genre oriflamme de femme, doté d'un phrasé charbonné de testostérone. Un (in)exact inverse des castrats.
L'âge (32 ans) n'a sucré en rien cet organe qui baisse en gamme. Elle se souvient que, petite, on moquait sa «voix d'ogre». Cette Gilles de Rais enjouée, née à Martigues mais originaire des Comores, grandie en banlieue parisienne mais épanouie par ses années new-yorkaises, s'exprime dans un français bravache de fille dessillée et moqueuse, ma