Pierre Boulez vient d'entrer dans le hall de l'Ircam et s'apprête à prendre l'ascenseur quand la préposée du week-end lui annonce que son nom ne figure pas sur la liste. On explique à cette dame que le chef et compositeur a créé l'institution qui l'emploie et, trois minutes plus tard, on pénètre dans le studio 5 où Bertrand Chamayou a commencé à se chauffer les doigts sur le Concerto n°2 de Bartók, qu'il doit jouer mercredi à Pleyel avec l'Orchestre de Paris sous la direction du maître. Boulez est impressionné : «Vous avez les mains extensibles, c'est important, Barenboim ne peut pas jouer le n°2… A tout à l'heure», puis il repart vers son bureau. «Il est très jeune», dit-il en chemin. On rétorque : «30 ans tout de même.» Il a l'air étonné :«Il fait vraiment moins.»
Boulez a entendu le Toulousain il y a quelque temps dans le Burleske de Richard Strauss : «Il a joué ça très bien, sobrement mais avec brillance, et surtout sans exagérer le schmaltz.»On lui demande si, après Janácek et Szymanowski, il va encore nous surprendre en dirigeant un compositeur qu'il a négligé, voire méprisé, et il dit songer à Sibelius : «Peut-être sa 7e symphonie, la plus intéressante du point de vue du vocabulaire et du fait qu'elle est en un seul mouvement.»
Contrastes. Bertrand Chamayou est autant inquiet que ravi de rencontrer son idole : «Gamin, je ne voulais pas devenir pianiste mais compositeu