C'est l'histoire d'Arcabonne qui a des serpents sur la tête. Du coup, elle a aussi la haine. Mais pas que, et c'est son problème : «Que vous êtes heureux de n'avoir à songer qu'à haïr», reproche-t-elle à son frère Arcalaüs. Elle, elle doit aussi aimer. Comme souvent dans les livrets de Quinault pour Lully - même massacrés cent ans plus tard- c'est la demi-méchante qui a le beau rôle, parce qu'elle se retourne du mal au bien et vice-versa, remplissant le contrat aristotélicien de la tragédie.
Donc Arcabonne, magicienne de son état, aime Amadis et elle doit le tuer (vu qu'il a occis son autre frère, géant de son vivant). Arcalaüs est tout occupé à se venger, comme on l'a dit. Amadis est un chevalier, issu d'un roman espagnol de Montalvo, paru en 1508. Cervantès s'en est beaucoup moqué dans Don Quichotte. Amadis aime Oriane, c'est tout ce qu'il sait faire. Pour l'amour d'icelle, il combat tout ce qui se présente. Quant à Oriane, un peu fatigante, elle passe l'opéra à douter de son amoureux.
L'univers d'Amadis est traditionnellement fourré au merveilleux médiéval (avec une mystérieuse protectrice, Urgande, qui vient toujours à point sauver Amadis), dans un avant-goût gothique propre à séduire les années 1770. Le Sturm und Drang va pouvoir se déchaîner dans les profondeurs de la forêt et des âmes. Ici, le décorateur Antoine Fontaine (qui a officié entre autres sur l'Anglaise et le Duc, d'Eric Rohmer) a remplacé les arbres par des ruines