«Pourquoi sortir enfin Smile ?» Posée au crépuscule de 2011, la question semble surprendre un moment l'aîné des frères Wilson. «Vous pouvez répéter, s'il vous plaît ?» relance-t-il. Elle est toutefois légitime. Après quarante-cinq ans d'attente frustrée, faite de rumeurs, mystères et procès, Smile est devenu un mythe, grand œuvre inachevé, cité en référence par beaucoup. Une source d'inspiration intarissable pour artistes romantiques, comme Wes Anderson et ses héros, losers magnifiques incapables d'aller au bout de leurs obsessions. A ce qu'on en connaissait grâce aux morceaux déjà sortis ou piratés, puis à la version solo créée par Brian Wilson en 2004, le disque semblait surpasser le merveilleux Pet Sounds, qui le précède.
Mais Smile, c'est aussi la face obscure des Beach Boys. L'histoire d'un fiasco, qui provoqua la désagrégation du groupe et de son cerveau, avec la mort du cadet Dennis Wilson en épilogue quelques années plus tard. Et pour Brian Wilson, une sorte de malédiction personnelle qui l'entraîna aux gouffres de la folie, barbituriques aidant. On se demande donc comment il a pu replonger dans ces enregistrements. «Le moment était venu», répond pudiquement l'intéressé. L'homme semble en bonne santé mentale, première explication à la résurrection du disque, après une décennie 1990-2000 traversée dans le brouillard de la dépression. «Quand je réécoute ces morceaux, cela me replonge dans l'état d'esprit