Personne dans sa famille n'a été surpris, ce jour de 1974, quand Francis Bebey est rentré avec un orgue électronique sous le bras. L'instrument prenait une place folle dans le salon de la fratrie camerounaise installée dans le XIIIe arrondissement parisien ; il fallut même déplacer des meubles pour le caser. Mais il avait un beau look futuriste, avec ses deux claviers et ses boutons colorés indiquant - en anglais - «cello», «flute», «drums»… «Pour nous, c'était normal, se souvient aujourd'hui sa fille Kidi, notre père faisait tout le temps des trucs comme ça. Il achetait des instruments juste pour essayer quelque chose de nouveau.» C'est ce bout d'histoire qui est raconté dans la compilation African Electronic Music sortie en mars.
Virtuosité. Au milieu des années 70, ce synthétiseur primaire débarque dans la vie de Francis Bebey - décédé en 2001 à 72 ans - alors qu'il vient de quitter son poste à l'Unesco. Après avoir œuvré comme journaliste à la Société de radiodiffusion de la France d'outre-mer, il assurait depuis quelques années la formation de techniciens radio dans les pays qu'on appelait encore «le tiers-monde», tout en dirigeant une collection de disques de musiques traditionnelles.
L'ennui l'a emporté à l'époque sur le confort matériel, et Francis Bebey a repris sa liberté d'artiste, lui qui avait déjà plusieurs albums à son actif. Des disques de guitare classique surtout, inspirés par la virtuosité de l'Espagnol