SAMEDI
Les silences de Spain
Ça commence en demi-teintes : quelques petites heures de sommeil, la tête lourde au réveil, une journée blanche en ligne de mire. Je sors ; dans le centre de Bruxelles, le long du boulevard Anspach, des stands se montent, des sonos débitent prématurément du BPM. Je suis toujours surpris par la facilité qu'ont les gens ici à investir la rue, dès que l'occasion se présente. On n'y sent pas le protocole, le papier tamponné. Ça grouille et ça s'anime, et je ne suis pas au diapason ; je rentre et ne ressors qu'en soirée, où je retrouve Marc devant le Cirque royal, où j'ai joué la veille. Nous venons écouter (et pas voir, car il n'y a rien à voir) Spain, un des plus beaux sons d'Amérique, longtemps mis en sourdine. Ils entrent en scène sans un mot. Le son est aussi enveloppant qu'hier, la voix aussi feutrée. Il y a beaucoup d'humilité dans cette voix, et dans les silences entre les morceaux, un refus poli, mais ferme, du baratin habituel. Ils jouent Spiritual, que Johnny Cash a chanté sur le tard, et chaque note me rentre dans la peau. Ensuite, la nuit dure longtemps, dans un club sous une voie ferrée ; c'est une soirée musiques afro, et il n'y a que des Blancs. Un type me voit et dit : «C'est pas l'autre enculé qui chante Rendez-nous le soleil ?» Sois tranquille, l'ami, mes vœux sont exaucés : Phébus apparaît au-dehors.
DIMANCHE
Météo fiable
Les rares fois où j’ai tenu un journal, ça n’a jamais duré. Il me suffisait de relire les premières pages pour y renoncer. Chaque phrase disait l