Dix-neuf heures, quartier de Belleville, Paris XXe. Vilaine pluie d'été. Le boulevard de la Villette déborde de voitures, les scooters flirtent avec les tôles. Klaxons et sirènes braillent. Coincée entre la charcuterie et le bar-tabac, la chorba de Larbi enfume le trottoir, bondé : la fin du jeûne est proche. Au numéro 93, un immeuble banal : trois étages, des travaux prévus pour un quatrième niveau.
C’est là que vit le rap français, après plusieurs déménagements suite à une ascension sociale arrachée avec les dents. Un livreur de sushis arrive en trombe, tape le code. Dans l’ascenseur, il pose l’index sur le numéro trois. L’appart des petits derniers. C’est Orelsan, le cheveu hirsute, qui ouvre la porte. Nike Air bien ficelées, le Normand a la tronche du djeun parisien. Banal. Il file une pièce au livreur. A l’intérieur, on se marre dans une déco néoriche : des miroirs partout pour mieux se reluquer, un écran plus grand que le mur, une cuisine tactile dernier cri. Dans le salon, des rires éclatent. La petite bande de Sexion d’assaut joue au Monopoly avec des vrais billets. Le groupe parisien vient de remplir Bercy, caracole en tête des ventes d’albums en France, va de nouveau remplir Bercy en octobre, et rêve secrètement d’être le premier groupe de rap à faire salle comble dans un stade.
Breakdance et graffitis
Tout roule. Orelsan, lui, digère ses sushis, un iPad à la main. Son dernier album, le Chant des sirènes, cartonne. Au fond du couloir, de nouveaux arrivants prennent place