Il est 23 heures au Kleines Festspielhaus de Salzbourg, en Autriche, et Cecilia Bartoli chante l'air «Piangerò la sorte mia» du Giulio Cesare de Haendel. La respiration est imperceptible, le legato infini. Chaque mot est enchaîné au suivant dans un même souffle, sans saut dynamique sur le «si crudele», sans note couverte ou autre portamento venant déformer ou briser la ligne. On peut ne pas aimer le son délectable de Bartoli, le trouver trop fabriqué, mais force est de reconnaître que son respect de la musique est stupéfiant. Combien de vocalistes célèbres et estimées n'ont-elles pas - par manque de moyens ou pour affirmer leur «personnalité» - massacré cet air et d'autres du chef-d'œuvre de Haendel.
Quelque trente minutes plus tard, le public ovationne la mezzo-soprano italienne de 46 ans et le casting qu'elle a réuni pour cette production, dont Anne Sofie von Otter, Andreas Scholl, Christophe Dumaux et Philippe Jaroussky. Car, en plus d'être chanteuse, Cecilia Bartoli est désormais directrice artistique du festival de Pentecôte de Salzbourg. On la retrouve dans sa loge où elle parle comme une vraie productrice : «Alors, cette mise en scène, ça va ? Il y a des gens qui trouvent ça trop moderne, mais bon, c'est écrit dans le livret qu'on apporte la tête coupée de Pompée à César… Et puis, quand je m'envole sur la fusée, c'est drôle, non ?»
Après cinq heures sur scène, et autant de changements de costumes et de perruques, dont certains ahuriss