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Libération
Portrait

La seconde vie de l’icône de Cali

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En 1977, le jour de la publication de son unique roman, l’écrivain colombien Andrés Caicedo se suicide à l’âge de 25 ans. «Que viva la música», hymne à la fête et à la liberté des années 70, est traduit pour la première fois.
publié le 19 octobre 2012 à 19h08

D’où ça vient ? Un livre naît, son auteur meurt à 25 ans, tué par lui-même, le livre continue une vie publique qui relève du mythe, il connaît soudain une deuxième vie maintenant et c’est comme une vague de chaleur des années 70 tombée sur nous, avant la glaciation branchouille, avant le sida, avant le politiquement correct, avant toute cette pauvreté clinquante. Avant que les filles ne se mettent à danser entre elles dans les discos. Avant que la beauté du risque ne se transforme sous nos yeux hébétés, et pas vraiment crédules, en risque de la beauté.

Je suis allé à Cali, la belle et vénéneuse tropicale de Colombie, refaire le parcours de la Mona, la Mignonne, l'héroïne de Que viva la música et, plus qu'une plongée dans le temps, c'est une exploration de notre modernité balbutiante. D'où ça vient qu'on soit transformé jusqu'au fond du cœur par une traduction ? J'en ai fait beaucoup, et les grands textes ont un impact sur leur traducteur, évidemment, mais dans ce cas c'était plus qu'un livre, c'était une fille incroyable à suivre dans une ville pleine de ses codes et de sa propre langue, et c'était un défi. «Intraduisible», on m'avait dit, et en lisant la première fois l'explosion musicale qu'est Viva la música, je me suis dit : «Trouver de la musique aussi, faire de la musique avec les mots.» Et j'ai repensé à ce que dit le grand traducteur britannique Ranjit Bolt : on parle toujours de ce que la traduction «perd» de poésie, mais pas vraim