Jusqu'ici, Ballaké Sissoko donnait ses interviews en bambara et avait recours à un interprète. Désormais, il se lance en français : «Mes deux enfants d'un précédent mariage vivent ici, ce sont eux qui m'enseignent, qui corrigent mes fautes», dit cet homme presque effacé, attitude conforme à sa façon de jouer de la kora, cette harpe mandigue à 21 cordes : sans esbroufe ni acrobaties, dans un recueillement contemplatif.
Cette nouvelle assurance accompagne la mise en lumière tardive d'un virtuose longtemps resté dans l'ombre de son compatriote et parent Toumani Diabaté. En 2011, sa rencontre avec le violoncelliste français Vincent Segal donne Chamber Music, un disque majeur. Un an plus tard paraît At Peace, où Segal joue le rôle de producteur. Préparé à Bamako, le disque n'a pu y être enregistré en raison des troubles politiques (coup d'Etat et guerre dans le nord du pays). C'est finalement près d'Angoulême que ce At Peace a été concrétisé, cet été.
Ballaké Sissoko est un griot dans la tradition, issu d'une lignée de musiciens. Son père, Djelimady Sissoko, avait appris la kora en Gambie, et son grand-père maternel jouait du même instrument en Casamance, dans le sud du Sénégal. «Mon père n'a pas été mon maître, explique, comme psychanalytiquement, le musicien. J'ai appris seul : quand il quittait la maison, j'allais dans sa chambre en cachette et je jouais avec son instrument...» Ballaké a 13 ans quand son père meurt, et il est