Il n'est pas donné à tout le monde d'avoir connu dès l'enfance, le paradis puis l'enfer, d'avoir griffonné ses premiers textes «sous les obus et les balles traçantes», à la veille d'un exil brutal. Et, bien des années plus tard, d'avoir soudain renoncé aux mirages de la City de Londres pour assumer une passion pour le rap, née à l'adolescence. Une façon de choisir enfin son destin. Gael Faye a 30 ans et déjà une vie bien remplie. Celle-ci forme la trame de son premier album solo, qui évite les clichés sur le métissage pour décliner les différentes facettes d'une existence de caméléon, sur des rythmes swinguants, mélangeant la rumba congolaise et un zeste de jazz-soul, au rap le plus affirmé. Une réussite d'autant plus notable que Gael Faye reste avant tout un auteur,«virevolteur de mots plein d'amertume», comme il se décrit lui-même dans le titre A-France, écrit il y a déjà dix ans et qui fut «la première vraie chanson» de cet album, rappelle ce jeune homme à l'allure presque sage et au visage encore enfantin.
Faye parle de clivage entre deux cultures et deux mémoires. Cela peut sembler banal, c'est tout le contraire. Peut-être parce qu'exilé à 13 ans, un âge où l'on commence quand même à penser, il a une conscience claire de ses origines et prend un vrai plaisir à faire découvrir «son» Burundi natal, petit pays de l'Afrique des Grands Lacs qu'il a fallu abandonner du jour au lendemain. C'est à ce moment-là, en avril 1995, qu'il commence à