Il suffit de revoir la séquence d'ouverture de la Planète sauvage pour réaliser à quel point le premier long métrage d'animation de René Laloux et Roland Topor reste une anomalie, quarante ans après sa sortie - anniversaire fêté en copie neuve ce soir au festival de cinéma Itinérances d'Alès (1). On y voit une femme et son enfant, presque nus, tenter d'échapper à des mains géantes sur une planète au décor dangereusement psychédélique. Elle finira par être tuée, tandis que son enfant sera adopté par un Draag, les êtres bleus qui habitent la planète Ygam. C'est violent et cynique, et ce le serait encore plus si une musique planante, proto-électronique et bizarrement funky ne venait s'y glisser. Signée Alain Goraguer, cette partition est restée aussi percutante que les images, et demeure elle aussi un ovni dans la production française de l'époque.
D'Alain Goraguer, pianiste, compositeur et arrangeur, le grand public a retenu la musique plus que le nom. Il a cosigné la Java des bombes atomiques avec Boris Vian, construit tout le début de carrière de Gainsbourg - du jazzy Du chant à la une au roublard Percussions -, mis en musique Jean Ferrat et propulsé France Gall avec Poupée de cire poupée de son. C'est donc un pan entier de la chanson française, de l'après-guerre aux années 70, qui est passé entre ses mains. Mais Alain Goraguer a aussi disséminé des disques plus atypiques, à l'image de la BO de la Planète sauvage,