En plein cœur meurtri de la capitale, le Champ-de-Mars est un immense espace anarchique et biscornu qui sent bon le dioxyde de carbone et le poulet grillé. Le palais présidentiel est resté à l'état de ruine depuis sa destruction, le 12 janvier 2010, lors du séisme qui a tué 230 000 personnes. Un peu plus loin, une porte de tôle invite (en créole) à stationner ailleurs : «Tanpri pa tanké la.» C'est l'entrée du Bureau national d'ethnologie (BNE), une institution créée en 1942.
Virevoltant en veste Alexander McQueen, son directeur, Erol Josué (Libération du 13 avril), sort d'un préfabriqué, téléphone à la main, fonce vers le petit bâtiment en forme de temple, en ressort pestant contre un véhicule éternellement en panne et se lance dans des pas de danse virtuoses au milieu d'un groupe de femmes tambourinaires qui répète dans le jardin. Outre sa fonction officielle, ce feu follet est aussi chanteur et houngan (prêtre vaudou). Pour nous parler de la musique en Haïti, il a demandé à un des meilleurs observateurs du sujet, le journaliste Dominique Domercant, de passer au BNE. A l'ombre d'un arbre à pain, entre bambous et lataniers, petit état des lieux d'un paysage musical dont le public du festival Rio Loco à Toulouse aura un aperçu à travers deux invités