Le 3 juin, à Aix-en-Provence, coincé entre la fin des répétitions et un rendez-vous avec costumier et perruquier, Patrice Chéreau mange une banane en répondant à nos questions. «Mais trente minutes, ça ne va pas vous suffire ? - Si, si.»
De quoi vous êtes-vous servi pour votre mise en scène ?
D'abord de la pièce de Hofmannsthal, sans les coupes opérées par Strauss pour le livret. C'est important de savoir ce qui a été coupé. Ensuite, je suis revenu à l'Orestie d'Eschyle, à toute la genèse d'Elektra. Eschyle, dont l'écho est fort pour moi, Euripide, puis Sophocle, que je n'aime pas du tout. C'est chez Eschyle que Clytemnestre est la plus intéressante : avec Sophocle, Electre devient une héroïne totale, indiscutable, ce qui transforme Chrysothémis en pauvre fille et la reine en monstre. Or, moi, je veux équilibrer les trois femmes, sans les juger. Est-ce Chrysothémis qui a raison quand elle dit qu'elle veut vivre ? C'est pour cela que je la fais assez violente. Est-ce que c'est Electre qui ne veut pas vivre et qui reste dans le deuil de son père ? Ou bien Clytemnestre ? En fait, je crois que j'essaie de faire un peu comme avec Phèdre. Je tourne autour de quelque chose que, je pense, je ne ferai jamais de ma vie, la tragédie grecque. J'en mets en scène des ersatz, je monte Phèdre et Elektra comme si c'était du Eschyle. Mais je n'ose pas m'attaquer à la tragédie grecque pure, car il y a une difficulté noire, qui est l'incarnation du chœur. A l'opéra, c'est plus facile, il existe de