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MUSIQUE

Le rap s’échappe de la working class

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Les nouveaux princes du rap chantent leurs peines de cœur et leur désenchantement de gosses bien-nés: de Earl Sweatshirt à Macklemore, ou Kanye West avant eux, aucun ne revendique son appartenance au ghetto, et pour cause. Un changement de classe, mais pas de style. 
Earl Sweatshirt, vient de publier Doris, l’un des meilleurs albums de la rentrée. (Kookaburartwork)
publié le 9 octobre 2013 à 16h34

En 2010, Tyler the Creator, petit prince du rap cynique, arborait un étrange « Free Earl » sur ses tee-shirts de skateur. Le Earl en question, Sweatshirt de son surnom, 16 ans à l'époque et déjà l'un des prodiges du collectif Odd Future, avait disparu des trottoirs de Los Angeles où il avait l'habitude de traîner avec sa bande. Direction: une école spécialisée pour enfants difficiles qui n'avait rien d'une maison de correction. Cet établissement hybride, le Coral Reef Academy, mi-camp de vacances mi-école de la dernière chance, est située sous les tropiques, en Polynésie, dans un cadre idyllique et fort onéreux. La mère de Earl, professeur de droit à la prestigieuse UCLA, avait choisi de l'y envoyer en espérant qu'il abandonne le rap pour embrasser un cursus plus académique. Au programme du «stage de reconversion»: nage avec les baleines, sessions thérapeutiques et immersion dans la culture samoane. Loin du ghetto où il n'a finalement jamais habité.

Car le garçon, qui vient de publier Doris, l'un des meilleurs albums de la rentrée, illustre la montée en puissance d'une nouvelle génération de rappeurs issus de milieux favorisés. Invité à rapper sur le brillant Super Rich Kids, tube 2012 de son ami Frank Ocean, Earl Sweatshirt disséquait le désenchantement de la jeunesse dorée de la côte ouest. Ces «problèmes» de gosses de riches contrastent avec les grands récits presque épiques qui ont sous-tendu l'œuvre d'une majorité de rappeurs, de Tupac à Jay Z, et qui g