Dorothy, sœur de Miles (Davis), avait eu une bonne intuition, un jour de 1953, en conseillant à son frère d’écouter un jeune pianiste âgé de 23 ans : «Junior [ainsi que l’appela sa famille jusqu’à la mort de son père, ndlr], je suis en train d’écouter Ahmad Jamal et je crois que tu devrais l’aimer», lui a-t-elle dit au téléphone.
Ebloui, le trompettiste le sera par les qualités de jeu du natif de Pittsburgh, en Pennsylvanie, qu'il défendra toujours face aux sceptiques, louant «sa conception de l'espace, la légèreté de son toucher, sa retenue […], son lyrisme». Mais s'il avait pu être témoin de l'actuel succès de son influent congénère, attaché comme lui aux silences et aux notes en suspens, peut-être aurait-il souhaité changer quelques lignes dans son autobiographie, parue en 1989, en conclusion de ce paragraphe : «J'ai toujours pensé qu'Ahmad Jamal était un grand pianiste qui n'avait pas eu la reconnaissance qu'il méritait»…
Si tardive soit-elle (Ahmad Jamal a fêté en juillet ses 83 ans), la reconnaissance est aujourd'hui officielle, ne serait-ce qu'à en juger par l'engouement que suscitent les concerts prévus au Théâtre de l'Odéon (demain et samedi) - emballement ayant conduit les organisateurs à modifier le showcase à l'intention des professionnels, programmé ce soir, en concert public, ajoutant ainsi une troisième date pour fêter en exclusivité à Paris la sortie de son dernier album. Soit Saturday Morning, suite majeur