Un jour de 1963, la vie de Greil Marcus a basculé dans le doute. «Y aurait-il donc une autre version de l'Histoire que celle qu'on nous a apprise à l'école ?» Le jeune Californien a 18 ans. Il assiste dans le New Jersey à un concert de la chanteuse engagée Joan Baez. La jeune femme présente au public un ami à elle. Greil Marcus ne comprend pas le nom du type débraillé et indéfinissable qui entonne With God on Our Side. Il en reste pétrifié. «Je n'avais jamais entendu parler de Bob Dylan, rappelle-t-il derrière ses lunettes rondes. Joan Baez avait dû me le dire mais je n'avais pas retenu son nom. Dans sa chanson, il avait réécrit l'histoire du pays. Je me suis dit "peut-être que ce n'est pas si merveilleux que tu le penses ou qu'on le raconte." En moi, le doute était jeté.» Après le concert, Dylan est dans son coin et essaie d'allumer sa cigarette. Marcus s'approche : «Vous avez été formidable !» Dylan rétorque sans lever la tête : «J'ai été nul à chier !» De retour chez lui, Greil Marcus fonce acheter un disque du chanteur. «J'ai écouté des centaines de fois Don't Think Twice. Il était différent. Je l'ai suivi toute sa carrière.»
Greil Marcus a aujourd'hui 68 ans. Ecrivain, critique rock mais aussi prof de civilisation, il a passé sa vie à étudier la société américaine à travers la musique, le cinéma et la littérature. Etudiant à Berkeley, il n'a qu'une envie : enseigner les «American Studies». Il est en