Sur fond de confins subsahariens, souffle du temps des sables sur végétations pelées peules, ciels frangés, chèches bleus et blancs, le chant de Tinariwen drape de spleen des mélopées blues méharées. Prenant dans la cadence litanique palmée, des airs d'inquiétante étrangeté de gigues d'oasis, kan diskan de khamsin, le blues électrique des guitares m'vet - sans cesse à la lisière de la rumba twist ligne claire, entre envols pickés de Fancy JJ Cale, et juju music répétitive (King Sunny Adé) - laisse après tout rêveur : où branché, en plein rien ? Sur groupe électrogène solaire?
Ce qui importe, dans ledit «blues touareg», c'est le désert. Et ce qui compte dans le désert, celui de Rimbaud ou Loti, Michel Vieuxchange, Lawrence, Isabelle Eberhardt, voire Le Clézio, c'est l'idée de désert, l'image, le mirage. A cet égard, la trouvaille d'Emmaar («souffle brûlant»), sixième recueil officiel du groupe nomade Tinariwen, est le désert volant - comme Christoph Ransmayr inventa la Montagne volante à la phrase flottante -, le désert portatif, substitué, pièce pour pièce, au Sahara essentiel ; le désert antipodique de Mojave. Le tour de passe-passe tient dans la couverture : hommes bleus, pur-sang arabes, Tassili ou Atlas, lointains berbères. Sauf que… passez muscade : c'est l'Amérique des Peaux-Rouges, cactus contre palmiers. Le Sahara en soi, intérieur, comme le mal du pays est nostalgie de nostalgie. Le Désert des déserts, selon la formule de Wilfred T