Rencontrer l’idole de ses 20 ans peut être une expérience embarrassante. En particulier si la rencontre a lieu pas loin de quarante ans après les faits. Qu’est-elle devenue, cette idole ? Et nous donc ? Ainsi, ce n’est pas sans appréhension que nous pressons la sonnette d’un coquet pavillon d’Ivry-sur-Seine. Monette Berthommier ouvre la porte avec un sourire. Archie Shepp et elle se sont rencontrés il y a tout juste vingt ans : la journaliste avait demandé au musicien d’enregistrer une émission pour France Culture. Ils ne se sont plus quittés depuis.
Puis voici Archie, tiré à quatre épingles comme à son habitude, d'une élégance qui ne craint pas l'exubérance : costume sombre d'excellente coupe, chemise et cravate roses, chapeau en feutre. Il a la démarche d'un homme de son âge (76 ans), l'esprit de quelqu'un de beaucoup plus jeune, une pointe de malice dans le regard. Nous sommes face à un bloc d'histoire culturelle : Shepp est un des derniers grands saxophonistes ténor, un musicien qui fut mis en selle par John Coltrane lui-même. Il est poète et écrivain, dramaturge et acteur à ses heures, chanteur, engagé contre le racisme. Il fut jusqu'en 2002 professeur dans des universités américaines. Il est aujourd'hui en Europe un passeur de la Great Black Music, s'intéressant et pratiquant aussi bien le jazz (terme auquel il préfère celui de african american music) que le gospel ou même le reggae. Mais son langage le plus intime est le blues.
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