«Le concert n’était pas spectaculaire en termes d’effets scéniques - on sentait qu’ils étaient un peu fauchés - mais plutôt en termes d’atmosphère bizarre. Il était spectaculaire parce qu’il présentait une vision du monde tellement occulte, tellement différente, pour nous dans le public, que les seules réponses possibles étaient un refus complet ou une empathie instinctive pour un homme qui a choisi de rejeter tous les attributs d’une vie normale pour devenir un être d’ailleurs…»
Le journaliste et musicien britannique David Toop ne s’est toujours pas remis du premier concert de Sun Ra et son Arkestra au Royaume-Uni, en novembre 1970. Le groupe américain est alors au début de sa première tournée en Europe et le public découvre son univers total et exubérant.
De la Terre à Saturne
Ils sont une dizaine sur scène - trois saxophones, des trompettes, des percussions, une flûte, des guitares, une contrebasse… -, tous noirs, entrant et sortant en procession derrière une danseuse, et jouant un jazz de grand ensemble structuré en tourbillon libre et hurlant, qui travaille la répétition jusqu’à faire glisser son public dans une transe, d’où il ne sortira qu’en psalmodiant avec eux des mantras qui appellent à quitter la Terre pour Saturne.
Chacun des musiciens porte une robe colorée et des colifichets qui les font ressembler à une secte new age attendant un messie en soucoupe volante. Mais ils l’ont déjà trouvé: il s’appelle Sun Ra. Portant cape brillante de faux diamants et chapeau de pharaon interste