Lorsque le magazine en ligne britannique The Quietus s'est lancé en 2008 pour devenir l'une des voix les plus écoutées du journalisme musical, il a posé comme principe de «ne pas s'enfermer dans le canonique Dylan-Beatles-Led Zeppelin» pour célébrer la musique populaire. A la recherche d'une «année zéro» qui irriguerait encore le son actuel, ses journalistes sont alors vite tombés d'accord : «Il fallait que ce soit l'album Autobahn, de Kraftwerk», publié fin 1974, il y a tout juste quarante ans. Un album qui sera le point de départ de la rétrospective en huit concerts à Paris tout juste annoncée par le groupe (1).
Quel autre disque populaire aurait pu prétendre à ce statut iconique ? Autobahn, quatrième album du groupe allemand, est un basculement, le premier disque à utiliser les synthétiseurs et les boîtes à rythmes pour inventer une nouvelle pop. Jusque-là, les transpositions de Bach au clavier électronique Moog par Wendy Carlos (1968) ou le Popcorn de Gershon Kingsley (1969) n'avaient été des succès que parce qu'ils transformaient le connu en bizarrerie. Les quatre Kraftwerk se livrent, eux, corps et âme aux machines, les écoutent, travaillent avec elles. Et ils le font en s'imposant un look de cadres de quartier d'affaires,