Il est 19 h 30 à la Tonhalle de Zurich. Les caméras de Mezzo s’apprêtent à retransmettre le concert de rentrée. Lionel Bringuier fait son entrée. Trois ans que le jeune Français est invité par cette phalange européenne mais, en ce 11 septembre, il en devient officiellement directeur musical, succédant à l’Américain David Zinman, titulaire du poste durant vingt-deux ans.
Pour inaugurer son mandat, Bringuier a choisi de créer la nouvelle œuvre d'Esa-Pekka Salonen (lire ci-contre), le compositeur et chef qui l'a propulsé dans la carrière en le nommant chef assistant du Los Angeles Philharmonic à l'âge de 20 ans. Intitulée Karawane, la pièce est une commande conjointe de la Tonhalle de Zurich, de l'Orchestre de la radio suédoise, du New York Philharmonic, de l'Orchestre symphonique de Bamberg et de l'Orchestre de la radio finlandaise. Elle requiert un chœur imposant, destiné à chanter le poème éponyme signé Hugo Ball (1886-1927), figure du mouvement dada.
Méditation. Un coup de gong lance une pédale de clarinette basse, basson et contrebasson, sur laquelle le chœur murmure des mots incompréhensibles. Puis un accord spectral, réalisé en pizzicati de harpes, cordes, vibraphones et marimbas, installe une pulsation. Le langage n'en est pas moins éclectique, tant Salonen empile de façon délirante et incantatoire les références à Ives, Stravinski et Bernstein, et la pensée reste paradoxalement tonale en raison du maintien de polari