Il est 20 h 30 à la Maison symphonique de Montréal. Soliste invité, Boris Berezovsky s'attaque au Concerto n°2 de Prokofiev. Dès les premières mesures, le Russe déploie un jeu corsé et lyrique. L'entente avec le chef Kent Nagano semble idéale et l'acoustique boisée rend justice aux coloris de l'Orchestre symphonique de Montréal comme à ceux, parfaitement calibrés, du piano.
En ce samedi 20 septembre, Berezovsky, inégal comme le sont souvent les surdoués, affiche une forme artistique éblouissante : dans la redoutable cadence de l’andantino, le jeu reste constamment fluide et calé au fond du temps. Dans l’éclat du scherzo et les embrasements dynamiques de l’allegro tempestoso, l’intonation est toujours profonde et le timbre d’une égale richesse et concentration. Est-ce la tonalité de sol mineur qui l’inspire ? Tout au long des trente minutes de ce chef-d’œuvre de jeunesse de Prokofiev, évoquant de façon paroxystique le suicide d’un ami, l’ours géant qui pourrait briser le clavier d’un seul geste fait patte de velours et joue en poète.
«Athée». On le retrouve le lendemain dans sa chambre d'hôtel. Les cendriers sont pleins, la bouteille de whisky à moitié vide. Contrairement aux apparences, il ne vient pas de se réveiller mais rentre d'une longue balade à pied dans la ville. Depuis qu'il a remporté la médaille d'or du concours Tchaïkovski en 1990 et qu'on l'a découvert à l'Auditorium du Louvre, Boris Berezovsky a, tel un Bob Dylan, ra