Noëmi Waysfeld & Blik Alfama
AWZ Records
Es
t-Ouest.
Après
Kalyma
en 2012, consacré aux chants des déportés du goulag, Noëmi Waysfeld et son trio Blik refont surface avec une nouvelle démarche : rapprocher le fado portugais des traditions juives d’Europe centrale. Traduits en yiddish, les chants du Tage sont recréés avec accordéon et oud oriental à la place de la guitare portugaise. La voix est habitée par l’émotion, et deux titres sont empruntés à l’inoubliable Alain Oulman, juif luso-alsacien qui composa des dizaines de fados pour Amália Rodrigues.
F.-X.G.
Archive Restriction
Dangervisit

Groupe anglais qui n’intéresse à peu près que la France, Archive continue de creuser son sillon avec l’antiphrastique
Restriction,
ardente chevauchée (une heure) qui fait précisément le choix de ne rien s’interdire.
«Notre but était de faire un album où chaque titre est aussi puissant que le précédent»,
annonce sans ciller Darius Keeler, aubergiste en chef de cette sympathique auberge espagnole qui, quand elle ne se prend pas pour ce qu’elle ne sera jamais (Radiohead, au hasard), maintient un savoir-faire electro-prog honorable.
G.R.
Mademoiselle K Hungry Dirty Baby
Kravache

Personnage entier dont nul n’a jamais contesté l’intégrité, Katerine Gierak, alias Mademoiselle K, fait figurer la citation suivante en bandeau de son quatrième album :
«Ma maison de disques m’a dit : "Fais ton album en français, sinon on te vire." J’ai fait mon album en anglais.»
Profession de foi insubordonnée,
Hungry Dirty Baby
est pourtant un recueil plutôt insignifiant (sans parler de l’accent) de chansons rock qui sonnent pour l’essentiel comme un coup d’épée dans l’eau. A l’image du single
R U Swimming ?
Touché ? Pas vraiment. Coulé ? Euh…
G.R.
Grégory Privat et Sonny Troupé Luminescence
Jazz Family/Socadisc

Piano et ka : une alliance qui va de soie, tant la toile sonore que tissent en duo Grégory Privat et Sonny Troupé sur
Luminescence
s’entrelace telles de souples lianes. Soudés par de multiples expériences en commun, le pianiste originaire de la Martinique, fils de José Privat du groupe Malavoi et auteur du salué
Tales of Cyparis,
et le percussionniste né en Guadeloupe, formé à la tradition du gwo ka sous l’influence de son père saxophoniste, enlacent en toute subtilité leur jeu, entre jazz et échos mouvants des Tropiques.
D.Q.
Pablo Márquez El Cuchi bien temperado
ECM/Universal

Guitariste classique de réputation mondiale, l’Argentin Pablo Márquez, familier de Kagel et de Berio, a voulu rendre un vibrant hommage à son compatriote, le folkloriste Gustavo «Cuchi» Leguizamón (1917-2000). Ses chacareras, cuecas et zambas sont imprégnées par l’austérité des paysages du nord de l’Argentine, et la profonde mélancolie propre au monde incaïque. Ni voix ni percussions, juste le mystère et le miracle d’une guitare solitaire, comme un cavalier parcourant les sentiers de la cordillère.
F.-X.G.
Jean-Pierre Decerf Space Oddities 1975-1979
Born Bad, réédition

Ado dans les sixties, Jean-Pierre Decerf s’essayait alors à la guitare en fan des Beatles et des Stones. En 2015, il côtoie Mick Jagger au supermarché de son coin tourangeau. Entre les deux, il fut l’un des innombrables galériens plus ou moins visionnaires de l’illustration sonore, artisans parfois géniaux qui composaient de la musique à la chaîne pour des images encore à inventer. La sienne, qui fascina Air et fut samplée par le Wu Tang Clan, évoque les utopies spatiales discoïdes des seventies et est à redécouvrir enfin sur une luxuriante anthologie.
J.G.