La fuite pirate et la sortie précipitée mi-janvier du nouveau chapitre de la discographie de Björk auront eu beau prendre de court toute forme de storytelling critiquo-marketeux, deux caractères essentiels à Vulnicura n'auront échappé à personne ou presque. D'abord qu'il s'agit d'un pur album, délimité à ses neufs (splendides) chansons, et non pas d'une panoplie de ramifications multimédias comme son prédécesseur Biophilia. Ensuite que la chanteuse islandaise s'y livre à l'autopsie de sa séparation avec son ex-compagnon Matthew Barney, sous le régime d'une résolue nudité des moyens d'évocation du déchirement. Une épure façonnée en collaboration avec de jeunes gens en vogue (le prodige vénézuélien Arca, collaborateur de Kanye West ; le virtuose anglais du mariage drone-cordes The Haxan Cloak), qui contribue à en faire le disque le plus émouvant de Björk depuis une éternité et quelque. Au sein de la profuse histoire du break up album, de Bob Dylan et Fleetwood Mac à Bon Iver ou Amy Winehouse, Vulnicura s'inscrit dans le continuum d'une telle tradition avec tous les atours d'une étrangeté sans attaches, au modernisme orgueilleux. Mais au regard de la discographie récente de Björk, la beauté à l'os de ses cimes (les chansons History of Touches et Black Lake) et de son précipité d'affects écorchés marquent comme un retrait sur un point de classicisme serein.
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