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Critique

Jaakko le craquant

L’ancien conducteur de tram de Helsinki pose sa voix charmeuse sur un premier disque d’indie pop multiforme où il joue tous les instruments.
(Photo DR)
par Sophie Rosemont
publié le 19 juin 2015 à 18h46

Toutes les conditions étaient réunies pour qu'on n'entende jamais parler de Jaakko Eino Kalevi. Un nom imprononçable, une naissance il y a trente et un ans sur les bords d'un lac perdu au milieu de la Finlande, et un job à plein-temps de chauffeur de tramway. Sa vocation musicale remonte pourtant loin. Le parcours est (trop ?) classique : gamin à la guitare qui le démange, il écrivait déjà des chansons au collège. A sa majorité, il saute dans un train pour Helsinki et met son grain de sel sans grand succès dans des groupes locaux en brassant les genres de la pop, du dub ou de l'electro. Il monte même un petit label artisanal, sort des disques sous des pseudonymes divers et variés… Le tout en conduisant son tramway. En 2013, bingo ! Son premier EP officiel, Dreamzone, lui vaut d'être remarqué bien au-delà des frontières scandinaves. Et pour cause : longs cheveux blonds, visage angélique et œil perdu dans le vague, Jaakko (prononcez «Yahko») Eino Kalevi joue de tous les instruments et produit lui-même ses chansons. Bref, un rejeton idéal de la culture do it yourself. Récemment exilé à Berlin pour se consacrer entièrement à sa musique, Jaakko a lâché les commandes du tram pour devenir le nouveau poulain d'une division de l'écurie Domino (Arctic Monkeys, Franz Ferdinand, The Kills). Le label anglais a eu le nez creux puisque ce premier album est une excellente démonstration pop, à la fois ultra-indie et parfaitement accessible. Après l'entrée en matière J.E.K., où le timide Jaakko se présente en finnois, il nous invite au voyage - dans une soucoupe volante futuriste ou une décapotable de la fin des seventies, on ne sait pas vraiment. Qu'importe, on se laisse séduire par la pop de charmeur de serpents proposée par Deeper Shadows, le groove bluesy de Don't Ask Me Why, le disco polymorphe façon 80's de Hush Down ou le finale grandiose d'Ikuinen Purkautumaton Jännite, qui convoque les grands manitous Pink Floyd et François de Roubaix. On ne sait plus trop où donner de l'oreille et, pourtant, si rien ne se ressemble, tout est cohérent. Sans doute grâce à la voix de crooner de Jaakko : suave et distante, elle s'impose comme le fil narratif indispensable à autant d'éclectisme.

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