Du Pin Ups de David Bowie aux versions jazzy de classiques réinterprétés par Paul Anka, l'album de reprises a toujours été une tradition de l'industrie du disque. Et l'idée fait encore recette, pour preuve cette fin d'année, où Raphaël revisite Manset, Maxence Cyrin réinterprète classiques rock et techno au piano alors qu'aux Etats-Unis Ryan Adams s'est attaqué à Taylor Swift. Retour sur des albums de reprises ô combien inattendus.
Ryan Adams «1989»
Depuis quelques années, la planète indépendante ne rechigne plus à confesser son amour pour les pop stars, elle s'en fait même parfois une fierté. Ryan Adams n'en est d'ailleurs pas à son premier acoquinement avec cet univers, puisqu'il a épousé en 2009 la starlette éphémère Mandy Moore. Le choc a tout de même été grand quand ce mauvais bougre du country-rock indépendant américain a annoncé vouloir reprendre l'entièreté du dernier album de la plus puissante des divas actuelles, Taylor Swift, sorti fin 2014 et déjà vendu à presque 10 millions d'exemplaires. Si la jeune femme s'est empressée d'embrasser l'idée publiquement, il est permis de rester un peu plus frileux face au résultat. Ryan Adams a transformé quelques tubes radio en ballades folk à papa qui s'avèrent parfois entraînantes (Bad Blood), mais sont plus souvent d'une fadeur confondante.
Scarlett Johansson «Anywhere I Lay My Head»
Hollywood n'a jamais été frileux vis-à-vis des acteurs qui poussent la chansonnette mais, quand Scarlett Johansson passe de la pellicule aux micros, la formule prend une tournure inattendue. Après avoir partagé la scène avec les légendes post-punk The Jesus and Mary Chain au Coachella Festival en 2007, l'actrice a mis au point un album entier de reprises de Tom Waits, produit par la prestigieuse tête pensante de TV on the Radio, Dave Sitek, et sur lequel on retrouve le guitariste des Yeah Yeah Yeahs et même David Bowie en choriste de luxe. Un disque à l'atmosphère languide, traversé par la voix profonde et fantomatique de l'actrice. Si cette dernière dessert parfois l'album par ses vocalises monocordes, Anywhere I Lay My Head offre tout de même de beaux moments, comme le menaçant Town with No Cheer.
The Dirtbombs «Party Store»
Quand un groupe peine à atteindre ses objectifs de carrière, la reprise est une occasion d'élargir sa notoriété. Ce fut la solution empruntée par le groupe de garage-rock de Detroit The Dirtbombs qui, malgré un single partagé avec The White Stripes à ses débuts, n'a que rarement été aussi inspiré que la formation de Jack White. En 2001, The Dirtbombs reprend alors des standards soul de la Motown sur l'album Ultraglide in Black. Mais c'est surtout en revisitant, en 2011 sur l'album Party Store, quelques classiques techno (de Detroit, forcément) que le groupe attire l'attention. L'imposant Mick Collins, leader des Dirtbombs, donne une teinte garage-rock aux tubes de Derrick May ou Juan Atkins, et illumine ces reprises brutes et directes de sa voix d'outre-tombe fiévreuse. Enfin une réconciliation réjouissante du rock et de la techno.
William Shatner «Seeking Major Tom»
Shatner ou l'art d'exploiter un filon jusqu'à l'épuisement. L'acteur canadien, principalement connu pour son rôle de Captain Kirk, l'homme à la tête de l'USS Enterprise dans la saga Star Trek, a aussi écrit quelques nouvelles dans le même univers de science-fiction et des livres retraçant son expérience au cœur d'une des œuvres majeurs de la «culture geek». Mais, plus curieusement, il a aussi poussé la chansonnette sur plusieurs albums, dont Seeking Major Tom (2011), collection de reprises de tubes liés à l'univers du cosmos, dans des versions surthéâtralisées, à cheval entre le tragique grotesque et le comique (volontaire ou non), déclamant par exemple le Space Oddity de Bowie avec solennité. Dans le genre acteur chanteur embarrassant, on ne voit guère que Mélanie Laurent pour le surpasser.
Dread Zeppelin «Un-Led-Ed»
Beaucoup de «repreneurs» aiment réarranger des morceaux avec les codes d'un style totalement différent, comme le fit The Dirtbombs, ou nombre de crooners, de Paul Anka à Richard Cheese. Le groupe américain Dread Zeppelin est allé plus loin, ne s'attelant à transformer que le répertoire de Led Zeppelin dans des versions reggae-rock étonnamment puissantes. Le premier album à sortir du ciboulot de ce collectif zinzin mené par un sosie d'Elvis nommé Tortelvis, Un-Led-Ed (1990), séduit jusqu'à Robert Plant lui-même, le chanteur de Led Zep clamant préférer ces relectures aux versions originales. Depuis, Dread Zeppelin a sorti une vingtaine d'albums dans la même veine plus ou moins parodique, et fait des infidélités à Jimmy Page et sa bande pour reprendre aussi Elvis, Bob Marley ou les Yardbirds. Ils se sont même essayés au disco. L'art du recyclage malin.