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Libération
Baptême

Jennylee, rock et rookie

«Right On !», le premier album solo de la bassiste de Warpaint, alias Jenny Lee Lindberg, déjoue les chapelles classiques de l’univers rock.
L'Américaine jennylee, sans majuscule, est aussi la bassiste de Warpaint. (Photo DR)
publié le 28 décembre 2015 à 17h31

Qu'est-ce qui fait de Right On ! l'une des ultimes bonnes nouvelles de 2015 ? La propension du premier album de la bassiste de Warpaint à sortir des sentiers battus, sans pour autant nous perdre. Les chansons peuvent être sommairement affublées de l'étiquette «rock expérimental», dans la lignée de Sonic Youth, avec qui l'Américaine partage le goût des fulgurances bruitistes, des agents explosifs glissés ici et là, qui extraient les titres du schéma rock classique pour les envoyer dans une stratosphère punk, parfois teintée d'accents gothiques. Mais la trame de fond est sobre, soft même, un peu ralentie. Avec ses refrains pop (Boom Boom), sa langueur r'n'b (He Fresh), son dénuement dreampop (Blind), l'album explore avec aisance des terrains variés et entérine la dilution des genres musicaux. A 34 ans, Jenny Lee Lindberg s'affranchit de tout, même de majuscules en se choisissant «jennylee» comme nom de scène. Cette aisance a pourtant de quoi étonner : dans les quelques interviews qu'elle a données, la bassiste devenue chanteuse exprime la même idée, celle d'avoir depuis longtemps été frustrée, incapable de s'assumer en tant que musicienne. «Je ne voulais surtout pas qu'on m'entende jouer ou chanter, explique-t-elle au site anglais The Line of Best Fit. C'était privé. Tout ce que je voulais, c'était m'améliorer. Je n'avais pas l'intention d'être dans un groupe. L'idée de quelqu'un qui me verrait jouer me rendait très nerveuse.» A propos de son premier album : «Il raconte ma frustration parce que je ne m'autorisais pas à être moi-même depuis si longtemps. Ne pas laisser les autres me bousculer… ne pas suivre le rythme des autres», détaillait-elle encore au magazine Dazed. Née dans le Nevada, l'Américaine a passé son enfance à s'essayer à la musique et à la danse. Première étape : chanter dans un chœur, puisque ses parents ne voulaient pas lui acheter un instrument. A 18 ans, elle quitte Reno avec sa sœur actrice pour s'installer à Los Angeles. A 19 ans, elle choisit de se consacrer à la musique «pour voir ce qui se passe». La batterie demande trop de place, la guitare ne lui dit pas plus que ça, elle se décide donc pour la basse. Les trois premières chansons qu'elle a appris à jouer résument finalement assez bien son album, entre le rock d'introvertis qui se lâchent (Only in Dreams de Weezer), la moiteur épurée (Sexy Boy de Air) et une tension sombre mais pop (Lovesong des Cure). A la fin des années 2000, Jenny Lee Lindberg finit par émerger au sein de Warpaint, groupe féminin emblématique du cool à tendance hippie de Los Angeles, spécialiste ès rock minimaliste et vêtements mous, qui a tout de suite récolté un certain succès. Tout comme, on l'espère, la jolie embardée solitaire de jennylee.