«Il est le seul chef d'orchestre réellement compositeur depuis des gens comme Mahler ou Strauss qui parvenaient à relier ces deux pratiques», pose le compositeur Philippe Manoury. Et, de fait, Boulez a très tôt cumulé les deux casquettes, puisqu'il dirige dès la fin de la Seconde Guerre mondiale des musiques de scène dans la fosse du Théâtre Marigny. Où, quelques années plus tard, il fondera le Domaine musical, société de concerts du répertoire quasi exclusivement contemporain. Sa carrière de chef culmine bien sûr avec le Ring qu'il donne en compagnie de Patrice Chéreau en 1976 à Bayreuth, où il avait déjà dirigé Parsifal dix ans plus tôt. Mais passe aussi par Baden-Baden, où il assiste Hans Rosbaud, par La Haye, Cleveland ou encore New York, où il conduit de 1971 à 1978 le célèbre Philharmonique.
Un autre temps fort restera le Lulu de Berg monté au Palais Garnier en 1979, avec la création du troisième acte, inachevé, par Friedrich Cerha… toujours sur une mise en scène de Chéreau. Le style du chef Boulez se distingue par sa clarté et son dynamisme - dans un esprit de précision sèche qui convenait bien à sa doxa «Agissez, ne reproduisez pas !» - qui font souvent de ses directions des références évidentes. Son répertoire de prédilection couvre la seconde école de Vienne ou des compositeurs comme Stravinsky, Debussy, Ravel, Varèse ainsi que les plus contemporains Ligeti, Nono ou Stockhausen.