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Critique

Pain-Noir «Ces photos sont mon seul testament»

Le premier album du Clermontois Pain-Noir est un recueil de chansons à la mélancolie touchante. Son visuel, constitué d’un jeu de photos de famille datant des années 60, prolonge habilement cet univers délicat.

Publié le 15/01/2016 à 17h21

Les photos

«En 2009, mes grands-parents sont décédés, et nous sommes allées dans leur maison à Montluçon [dans l'Allier, ndlr], où ils ont vécu soixante ans, pour trier leurs affaires. Je suis reparti avec quelques médailles et des cartons de photos faites par mon grand-père, dont un qui allait être jeté, les photos étant mal cadrées ou surexposées. Ces photos [ la pochette est un étui qui renferme le disque accompagné d'une série de clich és cartonnés] sont pour moi un vrai trésor, des pans entiers de la vie de ma famille que je n'ai pas connus. Cet héritage est important parce que je n'ai plus de famille du côté de mon père pour me raconter ces histoires. Ces photos sont mon seul testament.»

Le grand-père

«Mon grand-père est au centre de la photo qui illustre la pochette. Il y a mon père derrière, je n’ai pas identifié la troisième personne. Mon grand-père était colonel dans l’armée. Il a passé beaucoup de temps à me raconter sa folle vie, et j’ai retrouvé des photos de lui prisonnier en Allemagne ou instructeur militaire au Laos au milieu des éléphants. J’aime aussi ses mains, qui cachent son visage et permettent à chacun d’imaginer qui ils veulent à sa place. Ce geste peut à la fois exprimer un malheur, ou être celui d’un adulte qui joue avec ses enfants.»

La plage

«Vu l’âge qu’a mon père, j’imagine que la photo date des années 60, mais je ne sais pas où elle a été prise. Des amis mènent l’enquête pour moi, m’envoient leur théorie sur l’origine du cliché. Ils pensent qu’elle a été prise à Marseille. Mais j’aime qu’elle reste mystérieuse, pour y projeter ce que je veux. Je ne suis même pas sûr de bien savoir ce qu’est l’élément sombre sur la gauche de la photo, un matelas pneumatique peut-être.»

Le nom

«Quand j'ai voulu créer une page Facebook, "Pain Noir" était déjà pris, par un projet avec vingt fans qui semblait n'être là que pour me casser les pieds ! Mais je tiens à ce nom. Il m'est venu d'un rêve. Une nuit, dans un songe, m'est apparu un homme, je ne sais pas bien si c'était Mitchum dans l a Nuit du chasseur ou mon père, mais ses deux mains étaient tatouées de ces deux mots, "Pain", "Noir". En me réveillant, c'est comme si je n'avais plus le choix : je devais m'appeler ainsi. Mon entourage me l'a pourtant déconseillé, ils le trouvent trop aride, et il prête un peu trop aux jeux de mots faciles.»