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Libération
Rock

Daughter, vivement l’indie

«Not to Disappear», deuxième album du trio londonien, couple minimalisme mélancolique et emballement sonore.
Remi Aguilella, Elena Tonra et Igor Haefeli. (Photo Francesca Jane Allen)
publié le 18 janvier 2016 à 17h11

En l'an 2000, Thom Yorke de Radiohead jouait à cache-cache avec lui-même sur le neurasthénique How to Disappear Completely, à réécouter sur l'influent album Kid A. La majestueuse entente entre une plume de plomb et de l'ambient zélée qu'on aurait pu croire de fait disparue aura une descendance avec Daughter. Le groupe installé à Londres signe même avec l'album Not Do Disappear un semblant de sequel. En 2013, le trio formé par le Suisse Igor Haefeli, le Français Remi Aguilella et la Britannique Elena Tonra faisait ses débuts avec l'album If You Leave, spleen romantique dont la voix de glace et les textes inconsolables ont retourné la frange emo des derniers fans d'indie rock. En interview, la chanteuse Elena Tonra, 26 ans, confesse que Jeff Buckley fut le premier musicien à lui faire un effet «Oh My God». Alléluia ! Depuis, elle a «tendance à surpartager», en opposition à ce que son grand-père lui conseillait : «Ne dis rien et continue de le dire», confie-t-elle dans le magazine DIY. Son timbre enténébré, qui se rapproche d'une collection de voix féminines qui ont marqué la précédente décennie, de Romy des xx à Bat for Lashes ou Electrelane, se prête idéalement à la confidence. La chanteuse devient alors une incarnation de ce qu'écrivait Dostoïevski l'Eternel Mari : «On boit son propre chagrin et l'on s'en enivre.» Elle paie sa tournée sur cet album où la retenue succède au trop-plein, et l'aérien cède à l'emballement des cymbales. Happée par les séquences minimalistes d'Alone / With You, elle plaisante presque sur sa solitude : «I Should Get a Dog or Something» («Je devrais prendre un chien ou quelquechose»), règle son compte à un amant peu aimant sur To Belong, aligne le vide de son cœur sur le dialogue froid des arrangements méticuleux de Numbers. Dans ce déluge de drames, la promenade pendant les entractes est courte pour Daughter, mais on retrouve des zones de décompression bienvenues, comme ce No Care, qui rompt aux deux tiers du disque avec la mélancolie dans laquelle il fut bon de se vautrer. Les trois coups solennels sont troqués par une batterie en plein emballement, la voix est plus détachée, le chant accéléré et vivace comme si Daughter s'était presque soignée.