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Libération
Interview

Jean-Luc Ponty, violoniste «Les jeunes atteignent la perfection très tôt»

Publié le 25/01/2016 à 17h11

«Pour ce qui est du violon traditionnel classique, c'est toujours le modèle Stradivarius qui prédomine. En revanche, l'utilisation du violon électrique et de l'amplification a tout changé dans mon domaine. Quand j'étais en Californie, en 1968-1969, le luthier Barcus Berry m'a donné son premier prototype de violon électrique, un violon traditionnel sur lequel il y avait un micro dans le chevalet et un bouton pour contrôler le volume. Puis, dans les années 80, il y a eu les violons solid body, sans caisse de résonance, de la marque Zeta, avec laquelle j'ai collaboré. Ils avaient aussi mis au point un système pour connecter le violon à un synthétiseur. Dans les années 90, j'ai senti qu'il y avait une limite à tout ça et j'ai renoué avec l'acoustique. Mais je n'ai jamais abandonné l'électrique, j'ai toujours ma panoplie de sons et d'effets électroniques.

«Mon champ d’utilisation du violon n’a fait que s’élargir. Question technique, dans le classique, c’est très impressionnant ce que l’on voit aujourd’hui. Les jeunes concertistes atteignent la perfection très tôt. Et dans le jazz, l’évolution de la technique instrumentale est encore plus flagrante. Le côté négatif, c’est une tendance exagérée à aller vers la perfection, avec souvent un résultat plutôt mécanique. C’est aussi lié à la révolution technologique de l’enregistrement : désormais, on peut corriger les fausses notes en studio après coup. Dans les enregistrements des années 50, on entendait des fausses notes et ça ne choquait personne.

«On cherche à reproduire cette perfection en concert. A la fin des années 50-60, j’ai eu la chance de voir les grands innovateurs sur scène : Miles, Monk, Coltrane. Ils étaient impressionnants parce qu’ils créaient leur propre son et leur manière de jouer, de s’exprimer, que ce soit dans les accords, les mélodies. Pour moi, c’était l’exemple à suivre. Aujourd’hui, on voit tant de jeunes dans le monde du jazz qui ne sont que des copies. Ce n’est pas nul non plus : la musique classique européenne, c’est ça, et c’est ce que le jazz devient. On apprend à jouer dans le style d’Untel ou d’Untel. Quand j’ai commencé, je n’avais aucun exemple à suivre. J’écoutais les saxophonistes et les trompettistes et j’adaptais leur phrasé à mon instrument. C’était une aventure. Il y avait tout à explorer, ce n’est plus le cas. Mais je ne doute pas que les jeunes qui ont du talent trouveront des choses à améliorer.»