Du côté des chercheurs de pépites, si la mode est aux musiques antillaises, tous registres confondus, le sillon africain demeure un bon filon. Pour preuves, la ressortie de deux galettes vient encore étoffer la légende du guitariste ghanéen Ebo Taylor, qui fêtait en janvier ses 80 ans. Tout commence alors que l'indépendance annonce des lendemains qui swinguent autrement : il passe chez les pros dès 1956, et très vite appuie sur la pédale électrique. Ce sera sa touche, qui fondera la différence du style de celui que l'on peut associer à Fela, son voisin nigérian qu'il fréquente d'ailleurs dès le début des années 60. Entre eux, le même goût pour le jazz, un égal appétit pour la soul funk, que l'un et l'autre vont appliquer au highlife, la bande-son qui agite les grands ports de la Côte-de-l'or.
Pour ce qui est du saxophoniste, on sait la suite : l'afrobeat explosera aux oreilles averties dès le début des années 70. Pour le Ghanéen, sa recette afro-funk teintée de touches latines va tarder à monter jusqu'à nos ouïes. Il faudra attendre le travail des crate diggers, à commencer par Duncan Brooker, qui va sortir de l'oubli quelques perles pour Soundway puis Strut Records, ou Superfly Records, qui rééditera en 2012 le majuscule Twer Nyame, énorme millésime 1978 d'une discographie essentiellement autoproduite.
«Ferveur». Cet album, qui s'ouvre sur le génial thème éponyme (17 mn, soit une face complète) bénéficie aujourd'hui d'une nouvelle ressortie, pour le plus grand nombre - la première était en tirage limité LP, celle-ci sera aussi en CD. Entre-temps, Ebo Taylor est devenu l'une des icônes ultimes du revival qui agite l'afrobeat. On le vit incendier la piste de danse de la Bellevilloise, à l'été 2010, et depuis, alors qu'il est cité, samplé à tour de bras, il ne cesse de tourner et retourner les scènes du monde entier.
«J'ai pu mesurer la ferveur du public au cours des centaines de concerts où j'ai eu l'honneur de jouer avec M. Taylor. Pure magie !» insistait il y a deux ans JJ Whitefield, séminal fondateur du collectif Poets Of Rhythm. L'Allemand ne fut pas le seul à donner dans la louange : le pianiste franco-belge Eric Legnini partit enregistrer sur place avec le légendaire Ghanéen.
Come-back. Nul doute que le buzz n'a fait qu'enfler : à l'hiver 2015, alors que Superfly rééditait son tout premier LP avec Les Pelikans, on retrouvait Ebo Taylor associé au come-back fulgurant de Pat Thomas, un autre Ghanéen dont la bande-son n'a pas pris une ride. C'est aussi le cas du premier album sous son seul nom, paru voici tout juste quarante ans. A peine trente minutes mais, là encore, que du bon, on y entend un highlife débridé, flirtant avec les rythmiques reggae et le swing feulé de la soul. On comprend pourquoi ce LP, dans sa version originelle sortie à tout juste 500 copies, s'échange désormais à plusieurs centaines d'euros sur les réseaux spécialisés. Une pochette aussi DIY que la musique est bricolée : on l'y voit avec sa douce… d'où le titre, My Love and Music.