Le groupe
Formé par Black Thought et Questlove à Philadelphie, The Roots fait figure d'exception depuis sa création, en 1987. Préférant l'instrumentalisation live à l'utilisation de samples et de machines pour mieux coller à ses inspirations jazzy, le groupe n'a pas toujours su trouver sa place dans le milieu du hip-hop. Pourtant, avec onze albums studio et d'excellentes collaborations avec Erykah Badu, Mos Def ou Cody Chesnutt, The Roots atteint la consécration en 1999 avec Things Fall Apart, son quatrième album qui prendra la tête des charts et deviendra son seul LP certifié platine.
Le titre
L'album tire son nom d'un livre de 1958 de l'écrivain nigérian Chinua Achebe, Things Fall Apart («le monde s'effondre»), lui-même titré d'après une phrase deThe Second Coming (1919) de l'Irlandais William Butler Yeats. Le poème original, écrit au lendemain de la Première Guerre mondiale, est une réflexion sur la nature fracturée de l'humanité après ces événements traumatisants. L'ouvrage de Achebe reprend ce thème mais l'applique au chaos laissé par des années de colonialisme en Afrique, en particulier au Nigeria. Autant dire que le poids d'un tel titre pouvait être lourd à porter.
Les visuels alternatifs
Cinq pochettes différentes sont éditées lors de la première sortie de l’album. L’idée du directeur artistique Kenny Gravillis était de montrer la face sombre de la société, ce «monde qui s’effondre», et les erreurs passées qui ne doivent pas être reproduites : la famine (un enfant en larmes durant la guerre civile en Somalie), la violence (une église détruite par les flammes ; la main ensanglantée de Giuseppe Masseria, parrain de la mafia new-yorkaise), la peur (un bambin en pleurs parmi les décombres de la gare de Shanghai durant la seconde guerre sino-japonaise) et la discrimination raciale.
Le cliché
C’est cette dernière photo, prise par un inconnu, qui deviendra a posteriori la pochette officielle. Marquante par sa violence brute et par l’horreur qui se lit sur le visage des deux ados afro-américains, cette scène est banale pour l’époque. Elle se déroule dans les années 60, durant une émeute dans le quartier new-yorkais de Bedford-Stuyvesant, surnommé «le petit Harlem de Brooklyn» en raison de la recrudescence de la violence. C’est l’époque du mouvement afro-américain des droits civiques et des affrontements sont quotidiens.