Dans le milieu du jazz, elle est au centre de toutes les attentions. Depuis le début du siècle, la trompettiste Airelle Besson insuffle un doux vent de liberté, jouant à saute-mouton avec les catégories et les a priori. Tout aura été possible pour celle dont le CV aligne les prises de participation en tout genre, ou presque : d’un projet avec Vincent Segal autour du tango de Gardel à la direction des cuivres pour la pop synthétique de Metronomy, il y a comme qui dirait un monde.
Le sien se situe à la jonction avec, pour centre de gravité, le jazz, ou plutôt l'improvisation plurielle. Une musique qu'elle pratique par tous les bouts depuis qu'elle est gamine. La prodigieuse enfant apprend la trompette à 4 ans, choisit de zapper l'école dès la sixième pour passer le bac par correspondance «afin de pouvoir continuer la musique dans les conservatoires». A la même époque, elle fait sa première émission sur France Musique, en big band. L'orchestre, ce sera d'ailleurs la grande école - de vraies leçons d'humilité - pour cette Parisienne qui aura enchaîné auprès d'émérites professeurs, de Wynton Marsalis à Glenn Ferris. Elle avoue un maître à jouer, à penser la musique : Tom Harrell, trompettiste à la personnalité «fragile», à la sonorité subtile, avec qui elle a partagé la scène de la Philharmonie de Paris lors d'un Trumpet Summit. «Quel beau moment ! Il a placé une ambiance à mille lieues de la virtuosité.» A l'époque du Conservatoire national supérieur de musique, on la surnommait Tom Airelles. Une affaire de son, une histoire de climat. C'est sans doute la clé pour apprécier son nouveau disque, le premier sous son seul patronyme, à 38 ans.
Après avoir cosigné un beau Prélude avec le guitariste Nelson Veras, elle revient au quartette, la formule qu'elle testa il y a une dizaine d'années avec Rocking Chair, formation devenue «culte». Au-delà des notes, on y entend les mêmes qualités : un son de groupe, cohérent et complexe, une somme de personnalités, mais avec une vraie identité. Ce projet, elle l'a pensé pour Youn Sun Nah, mais la chanteuse coréenne a entre-temps vu son agenda se remplir à mesure que son succès enflait. Il aura fallu patienter jusqu'en 2014 pour trouver la voix idoine : Isabel Sörling, une Suédoise à la palette large. «Avec elle, j'ai l'impression parfois d'être dans une section de cuivres, à deux.» A leurs côtés, Benjamin Moussay aux claviers et Fabrice Moreau aux baguettes polyrythmiques font bien mieux que les accompagner.
Certes, la trompettiste signe tout ou presque, paroles, mélodie et arrangements, certes on retrouve au fil des plages l'élégant éclectisme qui caractérise sa carrière, mais, finalement, l'oreille retient ce son d'ensemble, qui renvoie à la position de tous sur scène : en arc de cercle. «Chacun prend l'initiative, c'est très ouvert, mais très structuré.» Emblématique de ce sens du collectif qui magnifie cette singulière musicienne, le thème éponyme qui ouvre l'album, en souvenir de ses années en Angleterre où elle regardait le foot à la radio : Football Games on Radio One. En plein dans le mille !