«Je ne sais pas ce qui avait pu m'énerver à ce point pour que j'en vienne à écrire Forgiven/Forgotten, c'est très agressif», admet obliquement Angel Olsen, 29 ans, à propos du grandiose titre post-rupture à charge, électrique, paru en 2014 sur l'album Burn Your Fire for No Witness. «Ces chansons m'ont épuisée, je ne voulais plus faire d'autres clips ou de festivals pour les porter. Je me sens plus libre envers moi-même aujourd'hui et ça se reflète dans ce nouvel album», détaille l'Américaine à la voix flexible et indélébile, capable de provoquer des frissons dont on trouve l'équivalent sur l'échelle de Richter au niveau de Grace Slick, du Jefferson Airplane ou de Hope Sandoval avec Mazzy Star. Nous rencontrons donc à Paris celle qui se posait jusqu'ici en tornade emportant avec elle folk, grunge et punk. Elle est venue défendre son troisième album, My Woman, et la presse peut être tentée de sortir les pincettes : dans le clip de son single Intern, elle réplique à un journaliste juvénile qui lui tend le micro qu'elle se fiche bien de ce que disent les journaux, que ce n'est d'ailleurs encore qu'un stagiaire.
Synthés fuyants. Après trois albums solos et une carrière de choriste pour le projet Bonnie «Prince» Billy, Angel Olsen ne cache plus son exaspération à l'égard des médias et de l'industrie musicale. Certains disquaires ayant un bac spécial pour y jeter pêle-mêle tous les projets portés par des voix féminines, comme s'il s'agissait d'un genre musical, on ne peut pas lui en vouloir (cf.le tweet du 29 août de la chanteuse Kate Nash).«On demande aux femmes d'être beaucoup de choses, et certaines chansons sont à propos de ça, mais il est surtout question d'amour. Sur le précédent album, j'avais besoin de crier, mais parfois j'ai besoin d'écouter quelque chose de plus réfléchi, où le mouvement se crée différemment», explique Angel Olsen, qui revendique d'avoir été sous l'emprise de l'album Another Green World, de Brian Eno (1975), qui lui a donné des ailes sur le titre Woman pour laisser sa voix filer entre des synthés fuyants lui permettant «de découvrir de nouvelles textures de voix», avec la basse pour seul appui solide. Qu'elle soit au bord du sanglot, autoritaire ou redevenue légère, sa voix passe forcément par la chambre d'écho qu'elle affectionne particulièrement depuis l'album précédent. Sa seule «chanson-rage»,Not Gonna Kill You, en face A, assure avec poigne la transition vers la partie plus soul et aventureuse de l'album. Là, Those Were the Days trahit même un certain apaisement, mais on est loin de Cat Power - dont la dépression lui faisait écrire les plus grandes chansons et qui revient, crédible, en star disco sur le nouvel album de Cassius.
Ballade. Angel Olsen a encore des choses à régler, elle a préparé avec son manager une petite liste de faits biographiques qu'on nous a glissée un peu plus tôt : on y lit qu'elle a été adoptée à 3 ans, mais il est précisé qu'elle ne souhaite pas que la question soit évoquée. Si elle veut pourtant le faire savoir, ce n'est pas un hasard : la famille a une place de choix sur la face B de ce nouvel album, du déchirant titre final, Pops, qui désigne familièrement le père, aux presque huit minutes de Sister, ballade aux racines americana trompeusement classiques qui s'intensifie sur un «All my life I thought I'd change» et des solos de guitare athlétiques bien dignes des Irlandais de Thin Lizzy qu'elle dit adorer. Originaire du Missouri, Angel Olsen vit désormais en Caroline du Nord, à Asheville, encastrée dans les Blue Ridge Mountains. Dans cette ville, Zelda Fitzgerald fut internée et trouva la mort qu'elle avait tant cherchée, mais pour Angel Olsen, c'est avant tout «un endroit normal où vivre, où je me concentre surtout sur le fait de m'amuser et de bien connaître les gens».