Menu
Libération
Cinq sur cinq

Ty Segall, ses voies de garage

Le Californien sort un album en solo, après avoir participé à d’innombrables formations.
Ty Segall. (Photo Kyle Thomas)
publié le 3 février 2017 à 17h06

Est-ce vraiment un hasard ? Le nouveau roi du rock garage psychédélique est originaire de Laguna Beach, ville californienne où a vécu, pendant les années 60, Timothy Leary, le gourou du LSD. La drogue des hippies a immanquablement laissé sa trace dans le paysage dans lequel Ty Segall, 29 ans, s’ébat. A l’image de son dernier album (1), une douce furie chatoyante, irradiée par de fulgurantes et bruyantes distorsions. Ultime étape d’une discographie longue comme le bras et marquée par les projets multiples.

1/ Epsilons les débuts à la guitare

Même si le Californien affirme qu'il a débuté au sein des éphémères Love This (il n'avait que 16 ans), sa première affaire sérieuse dans la musique démarre bien deux ans plus tard, vers 2005, lorsqu'il laisse tomber (provisoirement) la batterie pour passer à la guitare, et surtout au chant. On retrouve au sein d'Epsilons ses deux complices favoris de Laguna Beach, le guitariste Charlie Moothart et le bassiste Mikal Cronin. Les gamins signent deux albums plus qu'honorables, mélange explosif entre punk et grunge avec l'indispensable touche garage sur laquelle Segall bâtira sa réputation. L'ironie est déjà présente, comme le montre le clip à l'allure de court métrage de Teeny Boppers, hilarante parodie d'une émission de télé-réalité, Laguna Beach: The Real Orange County.

2/ The Traditional Fools le bruit crétin

Pas toujours très fidèle à ses nombreux projets, Segall semble avoir une certaine affection pour The Traditional Fools, réactivé en 2016, dix ans après ses débuts, avec un faux nouvel album, Fools Gold, regroupant le tout premier EP et un paquet d'inédits. La formation complétée par le bassiste Andrew Luttrell (du groupe Culture Kids) et le batteur David Fox (membre du trio Superstitions dont fit aussi partie Luttrell) affichait sur son premier album homonyme (2008) une feuille de route aux intentions claires : un genre de surf-punk tout en bruit, absolument crétin et d'une immédiateté irrésistible, sans jamais une seconde regarder en arrière. Un Live at Wizard Mountain existe aussi, difficile à trouver, reste alors YouTube pour picorer quelques moments de grâce du trio.

3/ Avec White Fence le duo psyché

Parfois à sec côté trouvailles de nom de groupe, Segall prend l'option de simplement citer les patronymes des musiciens qui le composent. Comme sur l'album Ty Segall & White Fence avec, sous pseudonyme, Tim Presley, qui n'est pas le fils ou petit-fils de, mais fut membre fondateur du groupe Darker My Love, et a même rejoint un temps les Anglais de The Fall. Un des à-côtés les plus aboutis de la carrière de Segall, qui appuie sur la pédale psychédélique sans oublier ses racines garage omniprésentes. Un disque qui réussit aussi bien dans ses moments calmes, comme le fragile Time, que sur ses cavalcades enragées, comme l'effréné I Am Not a Game. Sorti en 2012 sur le prestigieux label de Chicago Drag City.

4/ Fuzz le retour à la batterie

Ebouriffant chanteur-guitariste, Segall aime aussi taquiner d'autres instruments, et bien sûr la batterie avec laquelle il a débuté. C'est donc derrière les fûts qu'on le retrouve partie prenante de ce groupe imaginé par son vieil ami Moothart qui tient, lui, la six-cordes et, parce qu'il fallait un bassiste, un certain Chad Ubovich s'en occupe. Si, vu le nom, le déferlement de pédales de guitare est bien au rendez-vous, les deux excellents albums du trio (en 2013 et 2015) nous emmènent sur des territoires plus proches du heavy rock à la Steppenwolf ou Blue Cheer que du rock psyché. C'est fou le boucan que ces trois mecs peuvent faire. On peut d'ailleurs le constater en regardant la vidéo de leur concert de 2015 à Rock en Seine, avec un Ubovich vêtu d'une chatoyante robe tie & dye. Histoire sans doute, par ce dégradé vestimentaire psyché, de se faire remarquer.

5/ GØGGS la part d’ombre

Dernière collaboration en date, GØGGS n’est pas un projet parallèle, selon son chanteur Chris Shaw, mais une nécessité. En gestation depuis 2013, lorsque Ty Segall a confié les premières parties de sa tournée américaine au quintette post-punk et punk Ex-Cult mené alors par Shaw. GØGGS a ainsi pris forme lors de ses nuits en tournée où l’on refait le monde et… la fête. Rejoints par l’inévitable Charles Moothart, ils signent en 2016 pour le label californien In the Red un premier album urgent et direct, où Shaw assure l’essentiel de l’écriture et le chant, laissant à Segall la signature sonore de l’ensemble, de l’enregistrement aux instrumentations. Homme de l’ombre, il passe d’instrument en instrument au fil des morceaux. Une récréation prise très au sérieux.

(1) Ty Segall Ty Segall (Drag City/Modulor)