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Libération
Critique

Babx, l’audace lyrique

Le chanteur français livre un cinquième album libre, inventif et ensorcelant.
Babx. Photo Jenna Garnier
publié le 7 juillet 2017 à 18h46

Il échappe au commun pour cultiver une imparable singularité. Une souveraine étrangeté aussi. Babx, brouilleur de pistes, passionnément en mouvement, terriblement inventif, farouchement indépendant, dégagé des contraintes inhérentes à l'industrie du disque. Chez lui, l'audace s'apparente à un fonctionnement interne, une source naturelle. Ascensions, son cinquième envol, respire le sublime artisanat. Sa force et son lyrisme se nourrissent de tous les contrastes, d'une énergie brute et d'une spontanéité attrape-coeur. Disque d'abandon né d'une désolation et d'un vide post-attentats, écrit en réaction à l'obscurantisme ambiant, et qui a posé ses premières pierres fondatrices à la suite du visionnage d'une trilogie de documentaires de Werner Herzog. Disque surtout ensorcelant et à la beauté solennelle, accidentée et sombre. Qui cherche la lumière avec humilité et se réfugie dans les vertiges de l'épure. Ici, le piano imprime la foulée des morceaux. Retient l'âme. Et ordonne les humeurs. Imprégnation progressive, combustion lente et immersion irrésistible. Babx applique donc l'art de la hauteur. Parfois, de puissantes montées dissonantes ou capiteuses. Souvent, des échappées free-jazz implacables et en liberté (en bonus, la prestigieuse collaboration du saxophoniste américain Archie Shepp). Toujours, ce chant aussi indomptable que caressant.

Des images surgissent, éveillées et hantées, entre constats, espoirs, traumatismes et prières. Comme celle d’Omaya al-Jbara, figure héroïque de la résistance irakienne, foudroyée les armes à la main par les balles de Daech. Longue et envoûtante mélopée, déclinée en trois mouvements dont l’ultime partie impose de poser un genou à terre.

Il y a également ce survol en hélicoptère de Nicolas Sarkozy - dopé par une introduction et un final militaires - vers le chaos de la gloire (l'Homme de Tripoli), l'enterrement anonyme d'un des assassins du Bataclan (le Déserteur). Et la voix fédératrice d'un jeune réfugié soudanais (Tango) qui refuse de courber l'échine. Une voix plus éloquente que jamais. Eclair de douceur à l'humanité confondante.

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Archie Shepp (Blasé, 1969): une des merveilles du saxophoniste, engagé dans la lutte pour les droits civiques. Un blues noir, rageur, plaintif.

Nick Cave and the Bad Seeds (Murder Ballads, 1996): jamais de compromis, non plus, dans la démarche de cette icône. Duo magique avec PJ Harvey et des chansons à la mélancolie vénéneuse et obsédante.

Thomas Pourquery & Supersonic (Sounds of Love, 2017): l'altiste et chanteur français s'offre un terrain d'expérimentation à sa démesure. Et le rêve joue les prolongations, encore et encore.