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Libération
Cinq sur cinq

Jean-Benoît Dunckel, courants d’air

La moitié du duo rétro futuriste Air a pris son temps avant d’assumer son nom en solo.
publié le 23 mars 2018 à 18h16

Il ne se cache plus. Douze ans après son premier galop en solo sous le pseudonyme de Darkel, l’ex-moitié de Nicolas Godin, avec qui il forma longtemps le duo rétrofuturiste à succès Air, sort un premier album sous son nom. Mais avant d’en arriver là, Jean-Benoît Dunckel, qui a aussi été brièvement prof de physique, aura multiplié projets et expériences musicales. Exemples.

1- Darkel (2006)

Officiellement, c'est entre les albums Talkie Walkie (2004) et Pocket Symphony (2007) que Jean-Benoît Dunckel eut pour la première fois envie de vivre sa propre vie musicale. Bien que caché sous un visuel de pochette particulièrement aride et des photos promotionnelles pour lesquelles il se métamorphosait, tel Björk en grand délire, en une sorte de corbeau humain, l'unique album sorti en 2006 sous le nom de Darkel n'a rien de sinistre. Outre un ou deux titres planants qui semblent échappés d'un album d'Air, c'est une collection de titres pop joliment rythmés et enlevés qu'il dévoilait, comme euphorique de sa nouvelle liberté.

2- Cyprien (2009)

Parmi ses succès, Air compte la magnifique bande originale de Virgin Suicides, le hit mélancolico-girly qui lança la carrière cinématographique de Sofia Coppola en 1999. On sait moins qu'en solo Jean-Benoît Dunckel composa, plus étrangement, celle de Cyprien, mémorable tranche de (gros) comique français produite par Arthur (celui de la télé) avec Elie Semoun à l'écriture et dans le rôle principal. Si ce galop d'essai fait un peu tache dans le CV, il sera vite oublié au profit de quelques très belles compositions pour le film lituanien Summer, touchante chronique estivale de la découverte des sentiments saphiques, qui reste plus fidèle aux canons esthétiques du demi-Air. Aimant le grand écart, Dunckel s'est depuis attelé à l'écriture de la musique du documentaire consacré à l'essai d'économie de Thomas Piketty, le Capital au XXIe siècle.

3- Tomorrow’s World (2013)

En le réécoutant aujourd'hui, on se demande pourquoi Drive, premier single extrait de l'album de Tomorrow's World paru en 2013, n'est pas devenu un tube. Un an avant, Jean-Benoît Dunckel s'était acoquiné avec Lou Hayter, la très belle chanteuse du groupe anglais New Young Pony Club, pour un duo masculin-féminin dans la lignée Lee Hazlewood-Nancy Sinatra ou Serge Gainsbourg-Jane Birkin, mais dans une version électronique. Parenthèse (enchantée ?) dans leurs deux carrières, cet album langoureux restera malheureusement unique.

4- Starwalker (2016)

Air finalement en sommeil et Lou Hayter repartie vivre sa vie, Jean-Benoît Dunckel décide de constituer un nouveau duo avec l'Islandais Baroi Jóhannsson. Ce musicien à la pléthorique discographie, autrefois versé dans le trip-hop, est connu dans nos contrées pour sa collaboration avec Keren Ann et est aujourd'hui compositeur de bandes originales de films (d'horreur et d'angoisse), de publicités ou de documentaires. Hydre à deux têtes qui entend conjuguer la rudesse des paysages islandais et le design français, Starwalker mêle, sur son unique album sorti en avril 2016, la pop rétrofuturiste de Dunckel et les ambiances pesantes de Jóhannsson, le temps de dix titres où la voix susurrée de Dunckel répond à celle plus grave de Jóhannsson. Malgré une poignée de singles inspirés, le disque sera un peu éclipsé par la sortie de la compilation du 20e anniversaire d'Air.

5- H+ (2018)

Et voilà, il aura fallu attendre 2018 pour que Jean-Benoît Dunckel signe pour la première fois un album sous son vrai nom. Pour autant, H+ (drôle de nom d'album…) ne s'éloigne pas de la pop électronique aux thématiques futuristes dont il s'est fait une spécialité. Cette fois, l'ancien mathématicien s'interroge le long de dix titres mélodiques sur le transhumanisme, l'impact de la machine et de la technologie sur la société, les humains et la musique. Dix rêveries chantées avec détachement, où l'on retrouve une bonne partie de l'ADN musical qui a fait le succès d'Air depuis la fin des années 90 : chant nonchalant, ambiances mélancoliques, chansons lentes aux détails finement ciselés, H+ a beau traiter de l'avenir de l'homme augmenté, Dunckel revient ici à ses fondamentaux et réussit un disque parfaitement en équilibre entre son passé de musicien et sa vision du futur.