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Libération
Critique

Her A la mort, à la vie

Malgré la disparition de son complice Simon Carpentier, Victor Solf a mené à terme le premier album du duo.
publié le 30 mars 2018 à 18h16

D'abord la nécessité d'évacuer le drame. Mais sans l'oublier naturellement. Puisque démarrée en duo en 2015, l'aventure Her se retrouve aujourd'hui dans les mains du seul Victor Solf, après la disparition, mi-août 2017, de son complice Simon Carpentier, 27  ans. Son ami de toujours, rencontré à 14 ans sur les bancs du lycée à Rennes et avec qui il avait débuté au sein de The Popopopops. Plutôt que de baisser les bras, Solf a fait le choix, ô combien courageux, de poursuivre le projet et d'amener à son terme ce premier album entièrement composé à deux, à l'exception d'Icarus, terminé par Victor Solf.

Il aurait été dommage de nous priver de ce manifeste bouillonnant et exalté pour lequel on écartera toute vision crépusculaire. Impossible d'imaginer une plus belle dédicace à Simon Carpentier que d'exposer ainsi au plus grand nombre cette pop soul engagée et pleine de vie. Engagée, parce que les combats sont multiples chez Her. Il y a bien sûr ce patronyme porté par deux hommes, comme un hommage aux femmes, à toutes les femmes. Puis il y a les chansons. Swim, écrite au lendemain de l'élection de Trump, transpercée par de drôles de bruits de sirènes comme pour alerter sur des lendemains qui déchantent. Neighborhood sur les rapports aux frontières, entre pays ou entre individus. Ou encore l'ironique On On, où les pourtant anglophones Her ont eu la bonne idée de convoquer le rappeur belge Roméo Elvis, venu mettre un warning face à l'hégémonie des réseaux sociaux.

Cela pourrait être naïf, c'est juste tranchant. Tout comme cette musique puissante en forme de soul électronique cristalline et orgiaque, illustrée par les formidables hits Quite Like, Five Minutes ou Blossom Roses, certes parus précédemment sur les deux maxis du duo, mais qu'il aurait été impensable de ne pas retrouver ici. Si Victor Solf avoue aujourd'hui ne pas arriver à réécouter cet album, on le comprend, mais cela ne sera évidemment pas notre cas. Et on veut bien parier que nous ne serons pas les seuls.

En concert le 25 avril à Paris (Olympia).

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